Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 19.djvu/456

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

c’est à peu près le prix des terrains dans le centre de Paris, début dont pouvait assurément s’enorgueillir la jeune cité, et qui cependant était hors de tout rapport avec la valeur en quelque sorte sans limite du loyer de ces biens. Ainsi en 1849, un simple magasin, grossièrement construit en planches, coûtait par mois, et devance, plus de 16,000 francs ; une maison en bois de deux étages, sur la place principale, rapportait par an 642,000 francs ; une autre maison, également en bois et sur la place, mais sans étage et assez semblable à une écurie pour cinq ou six chevaux, se louait plus de 400,000 francs par an ; enfin une tente en toile, servant au premier établissement de là célèbre maison de jeu El Dorado, représentait un loyer annuel de 289,000 francs. Ces prix disproportionnés furent lents à baisser, car la population augmentait plus vite que les constructions ne s’élevaient, et en 1854 la boutique la plus simple et la plus commune, presque une échoppe, ne se payait encore pas moins de 15 ou 1,800 francs par mois ; plus grande, elle en valait 5 ou 6,000, souvent même davantage. Les salaires étaient à l’avenant. Nous avons dit un mot de ceux de 1849 : ils avaient peu varié en 1854 et même en 1855, bien que sous plusieurs rapports on fût alors sorti des circonstances exceptionnelles des premières années. Un bon ouvrier de profession gagnait facilement de 50 à 60 francs par jour, le simple manœuvre de 20 à 25 ; les gages d’une domestique étaient de 400 francs par mois. Tandis que ces prix se maintenaient aussi rapprochés du taux primitif, d’autres heureusement rentraient dans des limites plus normales. Ainsi la nourriture était dans le principe l’une des dépenses les plus exorbitantes de San-Francisco ; un repas modeste y coûtait de 20 à 25 fr., et les moindres pensions étaient de 500 francs par mois. Dès 1855, ces chiffres étaient réduits de plus de moitié ; mais les fluctuations les plus considérables furent celles qui portèrent, sur les marchandises, de tout genre formant les cargaisons d’importation. Les prix extraordinaires de 1848 et 1849 avaient allumé une ardente fièvre de gain chez les armateurs des ports d’Europe et des États-Unis ; ils entendaient avec envie raconter les immenses bénéfices réalisés sur les objets de première nécessité, comme quoi les planches étaient bon marché à 10 francs le mètre, et certains clous particuliers vendus jusqu’à 50 francs l’once, comment les fortes bottes nécessaires aux mineurs se payaient de 5 à 600 francs, un jeu de vêtemens le double, et ainsi du reste. Le résultat fut, en 1850 et 1851, un arrivage de marchandises infiniment supérieur à tous les besoins de la place. La demande avait surpassé l’offre ; à son tour, l’offre surpassa la demande de manière à renverser toutes les prévisions. On vit des chargemens entiers vendus à l’encan à des prix presque