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la rivière Frazer, ou encore le Kansas, qui appellent les chercheurs d’or. La Californie fut par suite oubliée presque complètement ; c’était à tort, car la fièvre vertigineuse des premières années méritait d’être étudiée, non-seulement dans ses traits épisodiques en quelque sorte, mais dans ses rapports avec l’histoire et surtout avec la rapide transformation de ce pays.

À vrai dire, la découverte des trésors qui ont donné un tel prestige au nom de San-Francisco n’a été pour l’Américain qu’un point de départ, un moyen, et non une fin. Dans ces richesses inattendues, il a vu avant tout une occasion providentielle de franchir d’un bond toutes les premières étapes de la colonisation, et le résultat a répondu à son attente. Aussi la Californie offre-t-elle plus qu’aucun autre état de l’Union une source féconde d’études à qui veut se rendre compte de la remarquable puissance de création du Yankee. En moins de dix ans, on le voit, d’abord voisin impérieux et agressif, finir par jeter le masque d’une convoitise mal déguisée pour se transformer ouvertement en conquérant. Une fois maître du pays, bien qu’entouré d’une population composée de toutes les races du globe, il n’en réussit pas moins à marquer cet assemblage sans nom de l’indélébile empreinte de son cachet. Placé dans les circonstances les plus anormales, il y trouve le germe d’une prospérité sans exemple. En un mot, de cette richesse métallique qui peut-être a été pour l’Espagne une des causes les plus efficaces de décadence et d’appauvrissement, il sait faire sortir en dix ans les prémisses assurées d’un développement dont on ne connaît pas assez la miraculeuse rapidité. Je ne sache pas de plus bel éloge à faire d’un peuple.


I

La Californie n’est pas de ces contrées dont on ne peut interroger les annales qu’en remuant les legs poudreux de nombreuses générations de chroniqueurs, et, jusqu’au moment où la découverte de l’or vint appeler sur elle l’attention de l’Europe, son histoire, très curieuse du reste, se résume assez sommairement. Disons d’abord, et bien des personnes qui voient dans ce pays la terre classique des aventuriers ne s’étonneront pas du fait, disons que c’est à des aventuriers, célèbres et honorés, il est vrai, que nous devons nos premiers rapports authentiques sur la Californie. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, la piraterie formait, il faut l’avouer, une branche très considérée de la navigation ; industrie parfaitement reconnue, elle avait, entre autres spécialités productives, le privilège d’envoyer dans le Pacifique des expéditions qui pillaient et brûlaient chemin faisant les villes sans défense de la côte, guettaient au passage le