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aux propriétés publiques, et opposer à l’intérêt particulier, à l’erreur ou à la négligence une surveillance trop sévère et trop étendue. » La propriété immobilière a été conservée au sein des communes par le même sentiment qui a empêché les habitans qui les administrent de vendre leurs terres, qu’ils considèrent comme une réserve précieuse dans les familles. Qui oserait méconnaître que cette réserve des communes, léguée par les siècles, ait ajouté à leur consistance, à leur individualité, et affermi le sentiment de leur indépendance ? Le conseil-général du Bas-Rhin l’a constaté avant nous, des gouvernemens dont les institutions étaient autrefois moins avancées que les nôtres ont compris toute la puissance que de bonnes institutions communales prêtent au pouvoir central, et quelle force l’esprit de conservation trouve dans les mœurs qui se développent au contact direct des affaires. La véritable portée des institutions d’un pays est de faire participer chaque citoyen à la vie de sa commune d’abord, de son département ensuite, et enfin de l’état tout entier ; « mais ce développement ne s’accomplit que sous l’empire de certaines conditions, et l’une des plus importantes de ces conditions, c’est l’individualité du patrimoine et sa stabilité. » On ne doit pas oublier qu’en disséminant le patrimoine des communes, la convention voulait les affaiblir. La nécessité d’une autorisation préalable pour aliéner les rentes serait-elle en pareil cas une sauvegarde suffisante ? Nous ne saurions le croire. L’administration centrale, qui la donne, n’est pas sur les lieux, et les motifs qu’on pourrait invoquer auprès d’elle pour l’obtenir sont trop faciles à colorer. Malgré la règle qui veut que l’aliénation des biens communaux n’ait lieu qu’en cas d’urgence absolue et pour un avantage réel, non en vue d’un besoin actuel et passager, mais pour une destination nécessaire et durable, non à la seule fin d’augmenter les revenus, mais uniquement pour en ménager la source dans l’avenir ; malgré cette règle protectrice, ne sait-on point que, par le jeu des institutions municipales, les démembremens du domaine communal qui entrent chaque année dans le commerce n’atteignent pas moins de 5,000 hectares ? Que serait-ce s’il s’agissait de rentes sur l’état ? On peut prédire que ces valeurs mobilières seraient rapidement épuisées, et que bientôt il ne resterait guère trace dans les communes de la fortune vingt fois séculaire qu’elles possèdent aujourd’hui. Or pour les communes, a très bien observé M. Cauchy, avoir cessé d’être propriétaire, c’est avoir perdu l’espoir de le redevenir jamais.

Quant à cette augmentation de revenus que préconisent les partisans de la conversion, elle ne sera pas très sensible, si l’on veut bien la comparer à celle que produirait une sage amodiation au profit de la commune ; mais, en ce qui concerne la vente même, si