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mesures de cette époque ont soulevé des tempêtes, bien qu’elles eussent aussi leurs racines dans les siècles passés !

La science moderne a cherché le dernier mot de cette grande querelle, obscurcie aussi bien par le parti-pris des feudistes et le peu de solidité de leurs notions historiques que par l’intérêt des grands propriétaires et l’ardente hardiesse des réformes législatives ; elle a voulu savoir qui avait raison de Colbert ou des seigneurs, des anciens feudistes ou de la révolution. Aussi l’Académie des sciences morales avait-elle recommandé d’étudier la question en dehors des systèmes et des lois modernes, et de s’attacher surtout aux anciens diplômes et aux premières coutumes. Les recherches de l’écrivain qui s’est conformé au vœu de l’Académie l’ont conduit à faire une distinction qui résume tout son système. Selon lui, jusqu’au XIVe siècle, dans un débat entre un seigneur et une commune, la présomption de propriété devait être en faveur de la commune, s’il s’agissait d’une commune jurée, parce que les biens de ces communes, qu’ils provinssent des anciens municipes ou de concessions gratuites ou à prix d’argent faites par les seigneurs à l’époque de la révolution communale, étaient généralement possédés en propre, librement et allodialement. Au contraire, dans les communautés d’habitans de plus récente origine, réunis autour du manoir ou du monastère, les communaux provenant de concessions faites avec réserve de la dominité ne consistaient ordinairement qu’en droits d’usage, et à cet égard la présomption de propriété devait être en faveur des seigneurs ou du clergé. Cette distinction, M. Rivière pense qu’elle était à ce point dans la nature des choses qu’elle a dû subsister dans les siècles suivans, et qu’on pourrait la poursuivre à travers les vicissitudes que les biens des communes ont subies jusqu’à 1789. Cette conclusion est précédée d’un historique des cités importantes, des villes, des bourgs et des communautés d’habitans soumis à la féodalité ou d’hommes de poésie (in potestate), c’est-à-dire des communes rurales. Les cités importantes, dont l’origine se perdait dans la nuit des temps, avaient trouvé dans les chartes d’affranchissement des XIe et XIIe siècles la consécration de leurs droits et en même temps des titres de propriété. Quant aux petites agglomérations, issues de concessions plus récentes, elles avaient bien vu leur condition s’améliorer par des traités ou des chartes, mais néanmoins elles étaient restées sous la domination des seigneurs laïques ou ecclésiastiques, et n’avaient point obtenu l’allodialité de leurs biens. M. Rivière conclut donc hardiment à l’usurpation lorsqu’il s’agit d’une ville ou d’une commune ancienne importante, parce que celles-là, riches et libres avant la féodalité, en avaient dû subir le joug. Or voilà ce que n’admettaient pas les écrivains féodaux ;