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ELLE ET LUI

PREMIÈRE PARTIE.


À MADEMOISELLE JACQUES.


Ma chère Thérèse, puisque vous me permettez de ne pas vous appeler mademoiselle, apprenez une nouvelle importante dans le monde des arts, comme dit notre ami Bernard. Tiens ! ça rime ; mais ce qui n’a ni rime ni raison, c’est ce que je vais vous raconter. Figurez-vous qu’hier, après vous avoir ennuyée de ma visite, je trouvai en rentrant chez moi un mylord anglais… Après ça, ce n’est peut-être pas un mylord, mais, pour sûr, c’est un Anglais, lequel me dit en son patois : — Vous êtes peintre ? — Yes, mylord. — Vous faites la figure ? — Yes, mylord. — Et les mains ? — Yes, mylord ; les pieds aussi. — Bon ! — Très bons ! — Oh ! je suis sûr ! — Eh bien ! voulez-vous faire le portrait de moi ? — De vous ? — Pourquoi pas ?

Le pourquoi pas fut dit avec tant de bonhomie que je cessai de le prendre pour un imbécile, d’autant plus que le fils d’Albion est un homme magnifique. C’est la tête d’Antinoüs sur les épaules de,… sur les épaules d’un Anglais, c’est-à-dire un type grec de la meilleure époque sur le buste un peu singulièrement habillé et cravaté d’un spécimen de la fashion britannique.

— Ma foi ! lui ai-je dit, vous êtes un beau modèle, à coup sûr, et j’aimerais à faire de vous une étude à mon profit ; mais je ne peux pas faire votre portrait.