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a composé il y a quelques années[1]. Le sujet est grand assurément, surtout si l’on réfléchit que l’auteur a entrepris de le traiter avec une complète indépendance.. Son but n’est pas la conformité à telle ou telle créance établie, mais à la vérité chrétienne. Malgré son ferme propos d’impartialité, il a commencé son ouvrage avec une conviction déjà faite, c’est que la doctrine reçue touchant l’inspiration de l’Écriture était un grand mal à la fois pour la religion et pour la tolérance. La question de l’autorité de la Bible est effectivement en pays protestant, comme chez nous celle de l’infaillibilité de l’église, la difficulté capitale, la source inépuisable du désaccord entre l’orthodoxie et la foi libre. Elle s’opposera peut-être toujours à une parfaite intelligence entre deux natures d’esprits qui n’ont rien à se reprocher l’une à l’autre, entre des consciences également sincères, également pures, mais où la lumière de la vérité pénètre apparemment par un rayon brisé sous un angle différent. Cette conviction a inspiré à M. Greg la résolution pénible et courageuse de chercher et de dire ce qu’il aurait trouvé. Ce qu’il a trouvé, ce qu’il croit avoir trouvé du moins, c’est que le christianisme populaire, c’est-à-dire la doctrine que prêchent les églises, ne peut être la doctrine qu’enseignait Jésus. Les églises en général sont liées d’un côté par le texte littéral, de l’autre par une interprétation traditionnelle des Écritures, ce qui suppose l’inspiration des écrivains sacrés. Or cette inspiration, ceux-ci ne se l’attribuent pas, et ils ne répondent pas davantage de la manière dont on les interprète. Si leurs ouvrages ne sont que des monumens historiques, ils tombent dans le ressort de la critique, et c’est par l’examen qu’on en peut déterminer le véritable sens. À la doctrine de l’inspiration absolue, littérale, les modernes ont déjà substitué celle d’une inspiration partielle, inégale, qu’on cherche et que l’on trouve par l’étude, qui pour quelques-uns est plus manifeste dans les Épîtres que dans les Évangiles. M. Greg rencontre cette manière d’interpréter l’Écriture dans Coleridge et dans Arnold, « l’un le plus subtil penseur, l’autre le plus honnête des théologiens de notre âge. » Il s’en empare, et il en use avec une hardiesse que ni l’un ni l’autre, je crois, n’aurait approuvée. Il n’est point un érudit de profession, mais un critique attentif et pénétrant. Il a lu quelques-uns des maîtres de l’exégèse moderne. De Wette lui est familier. Il expose avec netteté, sur la plupart des points difficiles de l’histoire ou de la doctrine, les argumens et les résultats des controverses les plus récentes. Pour ceux que ces choses intéressent, pour ceux qui désireront se faire une juste idée de toute une science assez négligée parmi

  1. The Creed of Christendom, its foundations and superstructure, 1 vol. London 1851.