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répugnances, et à prendre pour l’accord des sentimens le concert des hostilités. Le plus grand soin des sectes comme des partis doit être d’éviter que le monde prenne le change sur leur cause et sur leur drapeau.

Ce n’est pas que nous soyons d’humeur à grossir de nos cris la clameur de la réaction et à nous mêler aux hurlemens des bergers contre les loups, des soi-disant bergers contre les prétendus loups. On ne saurait méconnaître ce qu’il y a de réel et de légitime dans l’idée d’une certaine transformation de la société moderne. La faute des socialistes est de ne pas voir qu’à cet égard le plus fort est fait ; mais on ne peut disconvenir par exemple que la liberté religieuse n’est pas dans le monde tout ce qu’elle doit être. Il y a et il y aura longtemps, moins dans les lois que dans les idées, des restrictions intolérantes, qui rendront l’indifférence et l’hypocrisie plus commodes que la foi et la ferveur des congrégations indépendantes. Celles-ci, asile naturel de la piété spontanée, auront à lutter longtemps contre le dédain et la défiance de l’opinion, et il leur faudra bien du courage et de la persévérance pour faire accepter comme un droit la sincérité de la conviction. Dans la Grande-Bretagne même, où l’esprit de secte est comme indigène, les communions qui n’ont pas une existence historique ont de la peine à conquérir leur place au soleil, et je comprends qu’en présence d’un corps d’institutions qui semblent se fermer devant elles, elles invoquent la réforme, et cherchent à faire brèche dans les murailles de l’établissement religieux. L’opinion même leur oppose une résistance qui n’est pas fort conséquente là où l’on admet les baptistes, les quakers et les moraves. Le préjugé politique est parvenu à maintenir une proscription morale contre la doctrine religieuse de Locke et de Milton, peut-être de Somers et de Burnet, dès qu’elle prétend devenir le mot d’ordre d’une association constituée. Une aversion peu raisonnée l’a longtemps tenue en suspicion sans trop la comprendre. « Accusez un homme d’être socinien, disait le révérend Sidney Smith, et c’est fait de lui, car tous les gentilshommes de campagne pensent que c’est quelque chose comme braconnier. » Il est donc naturel que l’effort d’indépendance, permis, prescrit même à toute conviction religieuse, cherche à s’aider de tout ce qui veut une réforme. L’église établie se pose comme un obstacle. Il s’est même développé à son arrière-garde un esprit de réaction à qui il ne manque que la puissance pour rétablir l’oppression. Au fond, le puseyisme est contre-révolutionnaire ; c’était l’opinion d’Arnold, et c’est la vérité. Il y a donc une alliance naturelle entre les sectes indépendantes et tout le parti libéral. Cette alliance n’est pas d’hier, et ce n’est que justice, lorsque les historiens qui aiment la liberté