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pépinières de gens de mer, aucun des plus humbles moyens de la développer ne devrait être négligé.

L’anse de la Mondrée et l’anse de Saint-Martin sont les points de la côte septentrionale du Cotentin les mieux placés pour la pêche ; mais la pêche n’est très suivie que lorsque l’exploitation en est fructueuse, et le produit en est médiocre autour de la presqu’île. Les étalages d’huîtres de Saint-Waast, qui donnent lieu à un cabotage très actif, sont presque exclusivement alimentés par les pêcheries de Cancale, de Granville, de Regnéville, et ne font qu’une exception apparente à la pauvreté de la côte. Barfleur est le seul point où la pêche soit pratiquée sur une certaine échelle. On se plaint que le poisson ait déserté le voisinage de Cherbourg, et que les huîtres aient cessé de se renouveler dans celui de La Hague. Quelles sont les causes de ces vicissitudes, et comment y remédier ? Comment multiplier les espèces acquises et rappeler celles qui disparaissent ? Avec les procédés et les instrumens dont disposent aujourd’hui les sciences naturelles, nous ne devons plus désespérer de l’apprendre. Il est déjà démontré par des expériences suffisamment nombreuses que les eaux s’ensemencent comme les terres ; mais la nature prodigue les germes, et le difficile est de les faire arriver à maturité. Nous avons des hommes capables de remplir ces lacunes de la science ; mais les instrumens et l’organisation leur manquent. On est plus heureux en Angleterre. Le grand aquarium de la Société géologique de Londres est un champ d’études où s’accomplissent sous l’œil du naturaliste des opérations dont les profondeurs de la mer nous dérobaient jusqu’ici le mystère. Dans les transformations qu’y subissent les substances que s’empruntent, s’assimilent et se restituent par les organes des animaux les trois règnes de la nature, on voit les problèmes du développement des êtres se résoudre en équations non moins précises que celles qui ressortent des orbites des planètes. Les testacés et les crustacés se revêtent de leur écaille aux dépens de matières minérales dont la soustraction arrête leur croissance ; une part des habitans de la mer se nourrit de végétaux et sert de pâture à des espèces carnassières ; il en est enfin qui vivent, pour que rien ne soit perdu, des déjections des autres, et les débris de tous sont absorbés comme engrais par la végétation. Cette rotation entre les trois règnes de la nature produit un équilibre dont les lois nous sont encore mal connues ; mais attendre l’intelligence complète de ces lois pour mettre à profit ce qu’on en sait, ce serait laisser ses terres incultes, sous prétexte que l’art de les rendre fécondes n’est point assez avancé. Nous en savons assez sur les principes généraux pour déterminer sur quels terrains prospèrent les divers testacés, quels végétaux attirent les espèces herbivores, quels