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'Hague-Dyck[1], dont le nom Scandinave révèle assez les fondateurs.

La presqu’île est de beaucoup la partie la plus élevée du Cotentin. Beaumont, le chef-lieu du canton auquel elle appartient, est posé à 163 mètres au-dessus du niveau de la mer, sur l’arête des deux versans ; le moulin de Jobourg, qu’on trouve un peu plus loin, est à 180 mètres, et comme la plus longue des vallées rocailleuses qui sillonnent le terrain n’a pas 5 kilomètres de développement, le possesseur du plateau a un avantage marqué sur un assaillant obligé de remonter de tous côtés des rampes rapides. Tous les atterrages de la presqu’île, Omonville, l’anse de Saint-Martin, les échouages de Goury, d’Escalgrain, tout ce qui dans ces lieux offre quelque avantage maritime est mis à couvert par le Hague-Dyck. Cette construction ferme exactement de l’est à l’ouest la presqu’île : elle consiste en une ligne de terrassemens élevée avec un soin qui se manifeste sur de longs tronçons, mais, il faut l’avouer, fort altérée sur d’autres par l’action de la charrue, des eaux du ciel, de la végétation, et surtout du temps. Pour la prendre à son point culminant, il faut aller au nord du château de Beaumont, à 1,500 mètres du bourg : on s’y trouve près de la source du ruisseau de la Sabine, dont la vallée, s’approfondissant bientôt, débouche à 2 kilomètres au sud-est d’Omonville, et de celle du torrent d’Herqueville, qui se précipite vers la côte opposée. Le Hague-Dyck a du côté de l’est 3,900 mètres de développement, et du côté de l’ouest 2,800 ; il se maintient sur toute sa longueur, sauf dans la traversée du plateau, à mi-côte des pentes septentrionales des vallées dans lesquelles il est tracé : il voyait ainsi venir l’ennemi qui descendait le versant opposé ; le creux des ruisseaux lui servait de fossé, et le pied de l’escarpe n’était accessible que par un talus fort raide. L’art ajoutait aux difficultés naturelles du terrain tous les obstacles que comportait une époque si antérieure à l’invention des armes à feu.

L’étendue couverte par les 6,700 mètres de développement du Hague-Dyck est, d’après le cadastre, de 5,043 hectares, et, indépendamment des établissemens dont les vestiges ont disparu, elle comprenait deux réduits, l’un à l’est, sur les hauteurs d’Omonville, l’autre à l’ouest, sur la cime des falaises de Jobourg. Le second est désigné sur la carte de l’état-major sous la dénomination de camp romain, et, s’il la mérite, il est peu probable que les Romains en aient été les derniers occupans. Ces deux postes sont précisément les mieux choisis de la presqu’île pour surveiller l’horizon, et cet avantage n’a pas pu échapper à des pirates. Retranchés dans cette

  1. La digue ou la levée de La Hague.