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travaux hydrographiques exécutés sur l’atterrage de Cherbourg, il n’en est, que je sache, aucun dont l’objet spécial ait été le calcul des effets que produirait sur l’anse de Bretteville, et sur la rade de Cherbourg elle-même, l’interruption des courans de marée sur l’espace compris entre la roche de Biéroc et la tête septentrionale du raz : on ne peut donc se permettre à ce sujet que quelques conjectures plausibles. La chute des courans serait rejetée par le môle qui remplirait cet espace à 6 kilomètres au nord du parallèle de la grande digue, et à la hauteur de la face septentrionale de la presqu’île de La Hague. La profondeur de l’échancrure dans laquelle gît Cherbourg serait ainsi notablement accrue, et le tumulte normal de l’anse de Bretteville cesserait. Il ne serait pas impossible qu’un si grand changement dans les allures de la côte suffît pour annexer à la rade couverte un mouillage extérieur d’une bien plus grande étendue, et peut-être ce mouillage se prolongerait-il jusque sur le revers septentrional de la grande digue. Nous aurions en ce cas peu de chose à envier aux meilleures stations de la côte d’Angleterre. L’anse de Bretteville a, il est vrai, le désavantage d’être ouverte au nord-ouest ; mais le fond, composé de sable et de coquilles brisées, est d’une grande ténacité, et si des nécessités ultérieures se faisaient sentir, on pourrait, en la couvrant soit par une digue isolée, soit par des môles enracinés à l’Ile-Pelée et à la roche appelée la Basse-du-Cap, la convertir en une rade couverte plus grande que la voisine. Que l’établissement d’une digue insubmersible sur le prolongement sous-marin du Cap-Lévy apportât dans le régime hydrographique de l’atterrage entier de Cherbourg des modifications très considérables, c’est ce qui ne saurait être mis en doute ; mais en apercevant dans des circonstances naturelles bien connues les bases d’un large agrandissement de la rade, il serait d’une impardonnable témérité de prétendre deviner aujourd’hui les nouvelles directions que prendraient les courans, ou la manière dont elles affecteraient le fond et la côte de l’anse et de la rade elle-même. Des projets de cette portée ne se fondent que sur de longues séries d’observations, et pour éclaircir les questions qu’ils soulèvent, ce ne serait pas trop du concours des plus habiles entre nos hydrographes et nos ingénieurs. Le temps et l’appel à l’intelligence de tout le monde sont en pareil cas des auxiliaires indispensables, et l’exécution des grandes entreprises n’est sûre et rapide que lorsque les bases n’en sont plus un sujet de délibération. Du revers oriental du Cap-Lévy à la pointe de Barfleur sont disséminés jusqu’à deux milles au nord de la côte de nombreux écueils : jusqu’à nos jours, la connaissance en était réputée à peu près superflue, et l’on se contentait dans les instructions nautiques