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milles de Scaford, vis-à-vis Boulogne, un autre brise-lame couvrira la pointe de Dangeness, que doublent tous les bâtimens qui font voile de l’Océan vers la Tamise ou de la Tamise vers l’Océan. Enfin, à dix-neuf milles au nord de Dangeness, une somme de 63 millions est affectée à l’établissement devant Douvres d’un mouillage extérieur couvert par des digues de 3,300 mètres de développement. En se dirigeant de Portland vers l’ouest, Dartmouth s’ouvre à quarante-cinq milles plus loin ; puis se présente à trente milles Plymouth, avec un brise-lame qu’on a prétendu comparer à celui de Cherbourg ; — enfin Falmouth, à trente-huit milles. Ainsi, sur une étendue de quatre-vingt-quatorze lieues marines, l’Angleterre ouvre à ses escadres huit rades fortifiées qui se prêtent un appui mutuel.

L’Angleterre pourtant n’a point trouvé que ce fût assez. Les îles d’Aurigny, de Sercq et de Jersey gisent parallèlement à la côte occidentale du Cotentin : elles étaient jusqu’à ces derniers temps inoffensives. Des instructions nautiques publiées en 1846, par ordre de l’amirauté britannique[1], nous apprenaient seulement que « le mouillage de la baie de la Baleine, dans l’île de Sercq, semble fait tout exprès pour servir d’abri aux croiseurs qui observeraient en temps de guerre le port de Diélette, seul point de la côte de France entre Granville et Cherbourg où l’on puisse réunir une flottille… » Depuis que les relations amicales se sont resserrées entre la France et l’Angleterre, les choses ont changé. On termine aujourd’hui sur la côte orientale de Jersey, dans la baie de Sainte-Catherine, un de ces ports de refuge, accessibles à toute marée, que le parlement d’Angleterre destine à recevoir des bâtimens à vapeur armés en guerre pour la protection du commerce national et la destruction de celui de l’ennemi. L’espace, enveloppé dans de longues jetées, est de 120 hectares ; il est protégé par un fort et accompagné d’un camp retranché de 80 hectares. À Aurigny, à quatre lieues de La Hague, à neuf de Cherbourg, la rade foraine de Braye se convertit en un établissement militaire de premier ordre. Au plus beau de notre entente cordiale, l’attention s’est un instant émue à la découverte de cette batterie dressée contre nos côtes : ce n’était, disait fort cavalièrement lord Palmerston, qu’une guérite, une lorgnette posée pour avoir plus commodément des nouvelles de Cherbourg. Cette guérite, la plus grande assurément du globe, comprend la rade de Braye, ouverte au nord de l’île. Un môle enraciné au pied du fort de l’ouest est déjà poussé à 600 mètres ; la longueur totale en doit être de 2,300, et le musoir, couronné

  1. Sailing directions for the English channel, by captain Martin White, R. N. London 1846.