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droit constitutionnel de regarder la législation qui régit aujourd’hui la presse comme temporaire et d’en demander la réforme. C’est aux intérêts généraux du pays bien interprétés par les citoyens d’un côté, et par le gouvernement de l’autre, de marquer l’heure de cette réforme. Pour être satisfaits avec intelligence et avec équité, il faut que tous les intérêts qui existent au sein d’une nation, ceux des pauvres comme ceux des riches, ceux des travailleurs comme ceux de la haute et basse bourgeoisie, se puissent manifester avec la plus grande publicité possible et s’éclairer par les discussions les plus libres. Nul doute que la réintégration de la presse dans le droit commun ne fournît à cette utile publicité et à ces salutaires discussions un concours efficace. Les simples citoyens peuvent user de leur initiative pour obtenir ce concours ; le gouvernement lui-même peut en apprécier l’utilité et hâter le moment où cette grande coopération des esprits par l’Intermédiaire de la presse serait acquise à la direction des affaires publiques. Nous croyons, pour notre part, que l’état de la presse trompe beaucoup d’hommes éclaires sur le degré de vie politique que comportent les institutions actuelles ; nous pensons également que la législation provisoire de la presse neutralise certaines conséquences de la constitution qu’il serait de l’intérêt du gouvernement de laisser se développer ; mais encore une fois ce serait placer cette grande question de la liberté de la presse sur une base par trop étroite que de l’attacher aux intérêts et aux goûts d’une classe dont la plus grande infirmité, pour nous dispenser d’en rechercher d’autres, est de n’être point une classe constituée, et il est oiseux de recommencer à ce propos les vieilles logomachies qui ont déjà été si nuisibles aux progrès politiques de la France.

À moins de vouloir rétrograder au-delà de 1789, l’on reconnaîtra que le système représentatif est le seul mode de gouvernement qui convienne à un pays tel que le nôtre. Nous ne redoutons sur ce point aucune contradiction. Nous savons bien que ceux qui penseraient autrement n’oseraient avouer leur opinion, et garderaient le silence. Qu’est-ce dans son essence que le gouvernement représentatif ? C’est d’un côté la parole donnée à tous les intérêts du pays qui ont le droit de se faire entendre, et de l’autre un moyen assuré à ces intérêts d’influer, chacun dans une mesure légitime, sur la direction du pouvoir. L’action des intérêts du pays sur la direction du pouvoir s’accomplit par les assemblées délibérantes ; mais la représentation proprement dite des intérêts s’opère surtout par la publicité et par la liberté de la presse. Telles sont les deux conditions essentielles du gouvernement représentatif, et nous oserons dire que, loin d’être incompatibles avec la constitution de 1852, elles doivent trouver des garanties dans cette constitution, pleinement exécutée. De ces deux conditions, celle qui nous paraît devoir exciter surtout en ce moment la sollicitude des esprits éclairés, c’est la liberté de la presse. Avec une presse libre, c’est-à-dire soumise au régime légal, la composition des assemblées délibérantes et jusqu’à un certain point leurs attributions nous seraient indifférentes. Que l’assemblée soit un conseil d’état ou un congrès, qu’elle soit élue par le suffrage universel ou par le pouvoir lui-même, qu’importe après tout à ceux qui connaissent bien et le tempérament des assemblées et la nature humaine ? Nous nous souvenons de