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s’est propagée ; c’est encore sur lui, dégagé de tout ce qui le corrompt, qu’il compte pour combattre le paganisme pratique qui règne dans la société, et qu’il impute principalement à la bigoterie des clergés constitués. Il espère que le progrès social, dont il se proclame le zélé partisan, pourra, grâce à une réforme heureuse, devenir un progrès religieux. Là encore il voit un avenir chrétien, et par conséquent il semble reconnaître encore dans l’avènement du christianisme le moyen par lequel la Providence a préparé la conversion du monde. Le Christ ne cesse pas d’être pour lui en un certain sens le médiateur entre Dieu et l’homme ; mais cette croyance n’est guère qu’à la surface de son esprit, quoiqu’un sentiment intimement religieux paraisse être resté dans son âme.


III

On a déjà remarqué la situation équivoque où se placent, inévitablement peut-être, les unitairiens, obligés de voir avec bienveillance, d’encourager même tout effort pour éliminer autant que possible le merveilleux du christianisme ; ils ont peine à se distinguer bien nettement de la philosophie pure, et leur indulgence est acquise même aux excès de la liberté de penser. Les unitairiens ne pouvaient donc refuser à M. Newman une certaine communauté de principes avec le socinianisme. Quant à lui, tout en répondant courtoisement à leur courtoisie, tout en faisant leur éloge, il se sépare d’eux et les combat. Ceux-ci de leur côté l’ont défendu contre ses adversaires orthodoxes ; ils ont loué ses efforts et ses livres, et autorisé ainsi le public à le compter dans leurs rangs. Cependant une des critiques les plus sérieuses à laquelle M. Newman se soit cru obligé de répondre lui est venue du révérend James Martineau, naguère ministre unitairien à Liverpool. En lui témoignant beaucoup de bienveillance et d’estime, cet écrivain, qui me paraît au premier rang de ceux de sa croyance, a insisté sur les différences, suivant lui fondamentales, qui le séparent de M. Newman, et c’est en général dans ses ouvrages qu’il faudrait chercher l’expression la plus exacte de Tunitairianisme, autant qu’une doctrine aussi pénétrée du principe du libre examen individuel peut être exactement exprimée. Je ne connais de M. Martineau que deux ouvrages, ses Miscellanies, recueil d’articles insérés dans les revues, et le Rationale of religious inquiry, qui pourrait être un traité philosophique de religion. Ces deux ouvrages suffisent pour dénoter un esprit distingué, qui, ainsi que tant d’autres esprits distingués, excelle dans la critique, mais qui paraît inspiré par un désir véritable d’étroitement unir des sentimens encore chrétiens avec les lumières de sa