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découverte : il y a trouvé l’origine de la table composée par Newton pour corriger les observations astronomiques des effets de la réfraction atmosphérique. Cette table fut communiquée par Halley, sans explication, à la Société royale, de sorte qu’on ne savait si elle avait été composée à l’aide d’une théorie, ou seulement empiriquement. M. Biot a retrouvé dans les lettres à Flamsteed les bases d’une théorie relative à cette difficile question ; il est parvenu à ressaisir en quelque sorte dans la table de Newton toute la série des opérations auxquelles le grand astronome avait eu recours. Il le proclame « créateur de la théorie des réfractions atmosphériques, comme il l’est de la théorie de la gravitation. »

N’aurait-on pas toutes ces preuves de l’ordre scientifique, on pourrait, ce me semble, trouver dans la vie publique de Newton la garantie que ses contemporains ne crurent jamais son intelligence en péril. La charge de garde de la monnaie ne fut point pour Newton une sinécure : ses amis et ses protecteurs n’auraient jamais songé à l’appeler à ce poste, s’il avait eu auparavant un véritable accès de folie ; ils eussent, à bon droit, redouté de mettre de nouveau sa raison en danger, en lui imposant la laborieuse tâche de refondre toute la monnaie du royaume. Il faut savoir qu’au moment où cette mesure fut ordonnée, la déplorable habitude de rogner les pièces d’argent avait amené l’Angleterre à la veille d’une véritable révolution. Quand Montague confia, dans ces circonstances critiques, la garde de la monnaie à Newton, il était nécessaire d’opérer une révolution complète dans cet établissement. Newton se voua à ses fonctions avec une activité extrême, et réussit à abréger au-delà de tout ce qu’on avait espéré la difficile période de transition qu’entraîne une réforme monétaire complète.

M. Biot n’entre pas dans ces détails, qui ont pourtant de l’intérêt : il est vrai que, dans toutes ses études sur Newton, il ne se montre préoccupé que de ce qui concerne le rôle et l’importance scientifiques de ce grand homme. Il cite à peine quelques circonstances de sa vie publique, et quand il le montre, membre silencieux du parlement, n’ouvrant jamais la bouche, même sur les sujets spéciaux qui touchaient à l’astronomie, c’est pour déplorer que la politique ait enlevé aux sciences une partie d’un temps si précieux. Les compatriotes de Newton jugent autrement sa conduite : ils ne lui savent pas mauvais gré d’avoir été, en même temps qu’un grand mathématicien, un patriote, d’avoir soutenu contre Jacques II les antiques privilèges de l’université de Cambridge, d’avoir appuyé constamment de ses votes et de l’autorité de son nom le parti qui mit Guillaume d’Orange sur le trône, et jeta sous son règne glorieux les fondemens les plus solides de la puissance actuelle de l’Angleterre.