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avait affaibli l’esprit humain, en diminuant le travail de l’intelligence et de la mémoire. Sa philosophie ne tendait qu’à exalter l’âme par la contemplation de l’idéal ; celle d’Aristote enfermait l’esprit dans des formules inflexibles. Bacon pensa que les sciences devaient se proposer comme but d’améliorer la condition de l’homme et de préparer son affranchissement moral par son affranchissement physique : obéissant au génie pratique de sa nation, il tira la science des chimères, et lui assigna l’observation comme méthode et l’étude de la nature comme but.

Son heureuse influence ne put porter tous ses fruits que lorsque la fureur des guerres civiles fut épuisée et qu’un peu de calme fut rendu à l’Angleterre. Les sciences ne commencèrent à être cultivées avec suite qu’à l’époque où Charles II remonta sur le trône. Alors fut fondée la Société royale, destinée à devenir rapidement si célèbre ; les plus grands personnages se firent les patrons des savans. Charles II lui-même aimait à se distraire dans son laboratoire de Whitehall de l’ennui des affaires et de la satiété des plaisirs. Parmi les noms remarquables de cette période, on peut nommer le chimiste Boy le, Wallis, Barrow, Ray et Woodward, dont les travaux sur la zoologie ne sont pas encore oubliés ; Halley, qui créa la météorologie ; Flamsteed, qui fonda le fameux observatoire de Greenwich, et y amassa patiemment de si précieuses observations ; mais tous ces noms pâlissent devant celui de Newton.

Un volume presque entier des Mélanges scientifiques et littéraires de M. Biot est rempli par des études sur la vie et les travaux de ce grand homme. Ces études forment, avec celles qui sont relatives à Galilée, la partie la plus attachante de tout l’ouvrage. La première est une notice insérée en 1816 dans la Biographie universelle ; depuis cette époque déjà éloignée, de nombreux documens ont révélé une grande quantité de nouveaux faits relatifs au grand astronome anglais. On les trouve pour la plupart réunis dans la Biographie de sir Isaac Newton, publiée récemment par sir David Brewster[1]. La publication de la Correspondance de Newton avec Flamsteed, dont les observations lui furent si utiles, et Cotes, qui révisa, sous sa direction, la deuxième édition de ses Principes, a permis à M. Biot d’éclaircir des questions scientifiques du premier intérêt, liées aux travaux de Newton, à ses méthodes et à ses découvertes. La réimpression toute récente du Commercium epistolicum, recueil des lettres échangées entre Newton et Leibnitz au sujet de la découverte du calcul différentiel, a donné l’occasion à l’académicien français de porter un dernier jugement sur la question qui divisa les deux

  1. Voyez à ce sujet les études sur Newton publiées par M. Paul de Rémusat dans la Revue du 1er et du 15 décembre 1850.