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sa laborieuse tâche, la pensée humaine n’a procédé qu’avec ordre ; qu’obéissant instinctivement à une loi supérieure, elle est toujours allée du simple au composé, et s’est dirigée avec une étonnante perspicacité. Qu’y a-t-il pour nous, jetés sur cette planète, de plus simple, de plus constant, de plus inaltérable que les mouvemens des corps célestes ? Si sublime par l’infinité de son objet et les hautes pensées qu’elle inspire, l’étude des cieux était néanmoins plus directement abordable que celle d’un insecte vivant. Nous sommes tenus d’isoler les phénomènes avant d’en rechercher les lois, et les phénomènes célestes sont par eux-mêmes entièrement isolés. C’est pour cela que l’astronomie est la plus antique des sciences. Si loin que nous remontions, nous la trouvons cultivée chez tous les peuples, en Égypte, en Grèce, en Chine. M. Biot nous fait connaître un système d’observations astronomiques qui remonte aux temps les plus reculés[1].

La loi générale de l’univers découverte par Newton, il ne restait à ses successeurs qu’à en multiplier les applications. L’une des forces qui régissent la nature était connue ; pour étudier les autres, il fallait descendre des cieux sur la terre. La physique étudia les agens auxquels sont soumis les phénomènes les plus généraux qu’on y observe ; la chimie, les actions mutuelles des substances variées qui s’y rencontrent. Ce n’est qu’après avoir approfondi les propriétés de la matière inorganique qu’on a pu avec quelque succès aborder l’étude de la matière organisée dans les plantes, les animaux des divers ordres, et enfin dans notre espèce elle-même. Le ciel, la terre, l’homme, voilà donc l’ordre logique aussi bien qu’historique des sciences.

On pourrait croire que les mathématiques pures, dont les raisonnemens n’embrassent que des abstractions, auraient dû se développer en pleine indépendance, sans obéir en rien aux nécessités qui pesaient sur l’étude de la nature. Il n’en est pourtant pas ainsi : les sciences mathématiques ont de tout temps été les auxiliaires des sciences naturelles. À mesure que celles-ci ont appliqué l’observation à des sujets nouveaux, elles ont elles-mêmes agrandi le champ de leurs spéculations. Toute science mathématique est fondée sur une idée simple, unique : l’arithmétique sur l’idée du nombre, la géométrie sur celle de l’étendue, la mécanique sur la notion de la force, le calcul infinitésimal sur celle de la variation. Les sciences qui s’occupent de quantités invariables, nombres ou formes, ont dû naître les premières. Les autres, prenant dans la nature l’idée du mouvement, fournissent en quelque sorte une traduction idéale des

  1. Sur l’antiquité de l’empire de la Chine, prouvée par les observations astronomiques.— Mélanges scientifiques, tome II, page 335.