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résistance au colosse slave, qui est de toutes les puissances de l’Europe celle qui doit désirer et qui désire le plus vivement l’abolition du pouvoir temporel de la papauté.

Partout et toujours on tente donc le pape : on lui montre les royaumes de la terre dont il peut être encore une fois le suzerain, soutenu par les multitudes au lieu de l’être uniquement par les cabinets. On lui parle d’une confédération de toutes les principautés italiennes sous sa présidence libérale ; on le rassure pour l’enhardir ; on se presse autour de lui ; on l’entoure de respectueuses tentatives de séduction. L’arracher à l’Autriche, sous les drapeaux de laquelle il s’est enrôlé, pour se ranger filialement sous la primatie de sa bannière affranchie, tel est le rêve favori des catholiques intelligens. Le pape a été abusé, disent-ils, et l’on a abusé du pape. Au moment où le Piémont, pays capital de l’Italie, allait, grâce à un rajeunissement de la dynastie de Savoie, proclamer les deux dogmes politiques de sa croyance obstinée, la liberté et l’indépendance, la maison d’Autriche, par le canal du pape, a confisqué une fois de plus le débat à son profit. Elle a gagné le saint père en l’indisposant contre une idée dangereuse, la liberté ; il faut le regagner sur elle, le lui reprendre à force de pressantes tendresses, en passant sous silence ce mot peu rassurant pour le prêtre infaillible, et en ouvrant à l’ambition du souverain temporel les perspectives d’une indépendance qu’il doit appeler de tous ses vœux. Toute l’œuvre des écrivains piémontais pendant le pontificat de Grégoire XVI, depuis la Vita di Dante et le Primato jusqu’au Sommario della storia d’Italia, par lequel Balbo clôt cette période de labeur intellectuel, consiste à dégager le pape. Si l’on y réussit, l’alliance des souverains et des peuples sera formée aussitôt, car il existe en Italie, par suite de l’état des choses, une réciprocité naturelle de services entre les peuples qui ont besoin de liberté et les princes qui ont besoin d’indépendance.

Constituer en fait cette réciprocité, c’est fonder la monarchie représentative. Nous venons de voir quels obstacles s’opposèrent à ce que Balbo proclamât tout haut cette réciprocité, et le conduisirent à l’abdication provisoire du droit de liberté, à l’invocation exclusive du droit d’indépendance ; mais ce n’est pas là un système politique absolu, immuable, et qui puisse convenir à d’autres situations.

Au point de vue abstrait en effet, il est facile de comprendre que l’indépendance n’est qu’une forme particulière, un côté spécial, une partie de la liberté. Par cela seul qu’un peuple se trouve libre, on peut juger qu’il jouit de son indépendance, tandis qu’un état dont les frontières naturelles sont parfaitement respectées peut être livré à l’intérieur à toutes les calamités du despotisme. L’indépendance