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de réformes et de constitutions ne venaient qu’en seconde ligne. Depuis quelque temps en effet, les affaires de l’intérieur étaient mieux conduites. La reine Marie-Thérèse, princesse autrichienne, ayant dit au premier ministre, Vallesa, qu’elle estimait la dignité dont il était revêtu à l’égal d’une place de valet du roi, Vallesa s’était retiré, et avait eu pour successeurs des hommes formés par Napoléon, tels que Prosper Balbo, San-Marzano, Brignole, Saluzzo ; mais à peine ceux-ci avaient-ils pu apporter un commencement de remède aux maux dont on se plaignait, que l’énergique protestation de mars 1821 dénonça l’ennemi véritable, et proclama comme unique moyen de salut une guerre d’indépendance. Dans l’intention de presque tous, c’était un chaleureux appel fait au roi au nom de ses intérêts, au nom de la dignité de la couronne.

Par malheur, plusieurs circonstances fatales, qui avaient hâté l’explosion, lui donnèrent des apparences regrettables et la changèrent en un soulèvement libéral, qui parut dirigé contre le pouvoir absolu. L’impulsion vint de Naples, premier motif de défiance de la part du roi, première occasion de malentendus entre les conjurés. Le mouvement fut exclusivement militaire, autre empêchement au succès. Enfin le mot d’ordre fut la constitution espagnole de 1812, à peine connue de la plupart, et blâmée violemment par ceux qui la connaissaient. César Balbo, entre autres, appréhendait avec raison les effets désastreux d’une chambre unique et d’une dépression trop systématique de la personnalité souveraine. Tandis que le sentiment général émettait le vœu d’une association entre le roi et le peuple, le drapeau inopportun qu’on levait sans le bien comprendre signifiait que l’un devait céder à l’autre une suprématie légitime, héritage de ses devanciers. Dans ces conditions fâcheuses, la tentative ne pouvait qu’avorter, car, en dépit d’intentions louables, le fâcheux caractère des moyens auxquels les événemens forcèrent de recourir avait jeté hors de cette entreprise et placé dans une situation fausse les libéraux sensés et fidèles à la monarchie. Le prince de Carignan et César Balbo par exemple se virent pris entre le roi, dont ils ne pouvaient et ne devaient pas déserter le service, et les insurgés, dont ils partageaient les tendances et les convictions. Tout fut perdu en peu de jours. Il n’est point nécessaire de rappeler ici des faits bien connus. On sait comment Victor-Emmanuel Ier, à la nouvelle du soulèvement des garnisons d’Alexandrie et de Turin, abdiqua en faveur de son frère Charles-Félix, qui se trouvait d’aventure à Modène ; comment Charles-Albert, nommé par celui-ci régent du royaume, fut entraîné par la multitude à proclamer la constitution espagnole, et désavoué aussitôt par le roi ; comment César Balbo, envoyé par Charles-Félix à Alexandrie et à Turin pour empêcher qu’on ne publiât la constitution, la trouva partout