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l’empereur, apprit donc de quelques amis sa nomination d’auditeur au conseil d’état. Son père, inquiet pour la santé de cet étudiant de dix-sept ans, obtint qu’on le lui laissât pendant un an encore. Ce temps écoulé, le général Menou, chargé du gouvernement de la Toscane, réunie depuis peu à la France, emmena César Balba comme secrétaire de la commission qui allait organiser ces trois nouveaux départemens.

Nous ne le suivrons pas à Florence, à Rome, à Paris, en Illyrie, en Allemagne, stations diverses de sa carrière administrative sous l’empire ; l’excellent livre sur la vie et les écrits de César Balbo, par M. E. Ricotti, n’a rien laissé à dire sur ces curieuses pérégrinations, qui d’ailleurs sont étrangères au sujet qui nous occupe ici. Disons seulement que ces quelques années sont dans cette existence laborieuse et dévouée une période exceptionnelle d’insoucieuse indifférence. Membre pendant deux ans de la consulte qui donna à Rome des institutions françaises, et frappé par conséquent de l’excommunication de Pie VII, il remplit jusqu’en 1811 des fonctions qui attristent sa conscience de catholique et d’Italien, et que dans la suite il regrettera d’avoir eu la faiblesse, excusable à son âge, d’accepter de Napoléon, à qui nul ne résistait. Il écrivait en ce temps de jeunesse passé dans les fêtes des villas romaines : « La chose la plus sage, n’est-ce pas de ne songer qu’à rendre aussi douce que possible la vie que le ciel nous donne, sans prendre soin des affaires d’autrui ? Étudier un peu, peindre, faire de la musique, suivre le courant de l’amour tant que le sort le permet, puis, dans le repos de la vieillesse, conter les prouesses de ses jeunes années, voilà une existence qui m’assurera des nuits paisibles… » Ne retrouve-t-on pas dans ces lignes, qui ne seraient qu’une banalité sous la plume de l’enfant d’un autre climat, la source de l’infirmité politique de l’Italie méridionale ? « Nous sommes des artistes, pur troppo, » disait-il dans l’âge mûr. La lecture de Jacopo Ortis, cette plainte d’un double amour martyrisé, l’amour d’une femme et l’amour de la patrie, le jette dans des mélancolies dont le distrait bientôt un changement de résidence. À Paris, un beau jour il lui prend fantaisie de ne plus écrire qu’en français, et il l’annonce à Vidua, un de ses amis