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qui lui avait fait défaut au dernier siècle. Quelques écrivains témoignèrent, quoique sous des formes exclusivement poétiques, d’un réveil intellectuel très remarquable ; pour traduire convenablement les idées vives et hardies qui étaient dans l’air, on se mit à chercher le secret perdu de la langue, riche et précise à la fois, des maîtres du moyen âge ; les écoles furent fréquentées, malgré la guerre, par une jeunesse empressée ; partout enfin l’on montra de la volonté, du sentiment, de l’enthousiasme. Cette rénovation était surtout indiquée par deux symptômes : l’intérêt que l’on prenait plus généralement aux affaires, et la facilité avec laquelle on se montrait prêt et disposé aux sacrifices et aux travaux exigés par le bien public. En somme, où tendaient ces manifestations ? L’Italie allait-elle à l’unité, à la liberté, à l’indépendance ? Par où se préparait-elle à commencer ce triple travail de réorganisation ? Nul ne pouvait le dire, tant qu’un gouvernement libre manquait à l’Italie. Aujourd’hui ce gouvernement existe à Turin.

Le peuple piémontais a participé dès le premier jour à l’émotion inquiète qui règne en Italie depuis 1815 ; il a donné naissance aux écrivains qui transformèrent en principes fixes et en préceptes de conduite rationnels les aspirations vagues et passionnées des Italiens. Un triumvirat illustre, — César Balbo, Maxime d’Azeglio, Gioberti, — parla le premier, au nom de la patrie commune, un langage plein de raison, de calme et de mesure. Ces habitans d’un climat tempéré semblaient faits pour retremper et pour fortifier des âmes méridionales, en les façonnant à ces habitudes de simplicité, de vigueur, de sévérité, qui donnent aux races du nord leur principale valeur.

S’armant à la prussienne en attendant d’être régi à l’anglaise, le Piémont s’apprêtait à prendre la direction morale du mouvement qu’il contient et modère aujourd’hui ; il donnait déjà à ses voisins un exemple de modération et de prévoyance par le soin qu’il prenait d’éviter, sous l’absolutisme, un abaissement humiliant aussi bien qu’une révolte imprudente. Son infériorité historique, son obscurité passée, le préservaient des folles présomptions ; la conscience qu’il avait de sa petitesse, jointe à une ambition nationale très vive, était un gage précieux de sa prospérité future. Aujourd’hui qu’il a acquis une certaine importance en Europe, il est utile de rechercher comment se sont développés chez lui les élémens du régime représentatif auquel il doit une meilleure destinée. Le suivre dans les phases diverses qu’il a traversées depuis quarante ans, n’est-ce pas acquérir de justes idées sur l’Italie contemporaine ? Le but que le Piémont poursuit en effet, les obstacles qu’il rencontre, sont les mêmes pour toute la péninsule ; d’un autre côté, fidèle approcher l’union entre tous les Italiens, entre tous ceux qu’il regarde comme