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placers, et établit une escorte pour la protection des valeurs. L’Australie méridionale eut aussi ses mineurs, et comme la plupart de ces hommes avaient pris l’habitude du métier dans les mines de cuivre, qui sont une des richesses du pays, ils n’ont pas été les plus malheureux. À la fin de 1852, ils possédaient 1 million de livres sterling en lingots d’or. Beaucoup d’entre eux ont converti leur gain en fermes et en troupeaux, et peu à peu la fortune du Victoria a pu contribuer ainsi à la prospérité de la colonie voisine. Adélaïde est d’ailleurs très favorisée sous le rapport des richesses agricoles ; elle a d’immenses terrains en culture et des troupeaux considérables. Ces avantages constituent pour toute l’Australie une richesse véritable, qui doit survivre à la fièvre de l’or : peut-être n’apprendra-t-on pas sans intérêt que le chiffre des troupeaux, bêtes à cornes, bêtes à laine, chevaux, porcs, chèvres, se monte, pour les quatre colonies, à 19 millions de têtes. Adélaïde possède en outre l’embouchure et le cours inférieur du Murray, le seul grand fleuve que l’on connaisse encore à l’Australie. La ville est bien située, elle a un bon port au débouché d’une petite rivière qui la coupe en deux : la ville haute, anglaise et aristocratique, et la ville basse, où est concentré le mouvement des affaires.

Quant à la colonie de l’Australie occidentale, elle est médiocrement peuplée, bien qu’elle possède de vastes terres arables et de magnifiques pâturages, que son sol puisse produire du vin, des olives, et qu’on y ait découvert des mines de cuivre et de plomb. Le seul établissement de convicts que l’Australie possède encore s’y trouve relégué, et c’est ce qui lui nuit. Freemantle et Perth, principales villes de cette colonie, ont bien la triste et monotone physionomie que devait avoir Sydney il y a cinquante ans : à leurs portes, la solitude commence, et elles nous serviraient de transition facile pour passer à l’Australie sauvage, si nous n’avions d’abord à nous occuper des mines.


II

Vers la Noël de l’année 1852, un de ces Anglais que la curiosité et l’espérance entraînèrent en foule vers l’Australie, et qui en ont rapporté, à défaut de beaucoup d’or, de précieux renseignemens, M. W. Howitt, parti de Melbourne, atteignait les Ovens diggins, dans le district aurifère de Beechworth, à l’extrémité nord-est de la colonie. Le trajet, qui est de cent quatre-vingt milles environ, avait été long et pénible. Au débouché de la chaîne de hauteurs qui dessine le bassin de la rivière Oven et de ces menus affluens temporaires qui portent le nom de creeks, un spectacle des plus étranges frappa les yeux du voyageur : à droite, le long d’un petit cours d’eau qui