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législative est de cinq années. La colonie était divisée par le même bill en six provinces et en trente-sept districts, électoraux. Ainsi l’une et l’autre chambre était placée sous l’empire du principe électif ; les inégalités traditionnelles de la vieille Angleterre n’avaient pas trouvé place sur le sol neuf et démocratique de l’Australie. Néanmoins la cote de l’éligible à la chambre haute et de son électeur semblait encore bien élevée. Sydney, dont la chambre haute est nommée par le gouverneur et par le conseil exécutif, n’a pas à subir ces conditions d’âge et de fortune.

Aujourd’hui la nouvelle législation proclamée en novembre 1855 est en pleine vigueur, mais elle ne fonctionne point avec un assentiment unanime : plus d’une réclamation s’est déjà fait entendre, plus d’un amendement démocratique a été proposé. La jeune colonie se contentera-t-elle longtemps de cet état de choses ? Un mot redoutable circule déjà, celui de fédération, qui sonne à plus d’une oreille comme synonyme d’indépendance. Dans sa robuste croissance, le principal centre colonial de la grande île semble aspirer à une vie toute personnelle. Le 23 avril 1858, un comité de l’assemblée législative du Victoria a envoyé au secrétaire du colonial-office, M. Labouchère, une députation chargée de lui demander la présentation d’un bill qui autoriserait les colonies australiennes à former une assemblée fédérale. Il est à remarquer toutefois que les signataires de cette demande appartiennent en grande majorité aux colonies du Victoria et de la Tasmanie. C’est que le Victoria, avec sa position centrale et la préférence que lui donne l’émigration, a tout à gagner à un tel changement. Cette colonie peut devenir le cœur et la tête de l’Australie, et la Tasmanie, par son voisinage et ses relations, se trouve engagée dans une certaine communauté d’intérêts avec elle ; mais Sydney, mais Adélaïde, les capitales de la Nouvelle-Galles et de l’Australie méridionale, se résoudront-elles à devenir les subordonnées de Melbourne et des provinces du Victoria ? Cette rivalité est ce qui doit retarder la solution d’une question menaçante dans l’avenir pour l’Angleterre.

Dès leur installation, les chambres du Victoria ont eu à s’occuper de faits importans ; droits d’importation, chemins de fer, taxe des mineurs, immigration, aliénation des terrains. Une affaire qui a vivement agité les esprits, et qui peint bien les singularités de cette société, est celle qu’on appelle the prayer question ; il s’agissait de fixer la formule de la prière par laquelle s’ouvrent les séances du corps législatif, de façon à ne pas blesser les susceptibilités des Irlandais et des Juifs, car les Juifs ont été admis dans le parlement colonial. La presse ne contribua pas peu à stimuler l’animation des débats ; à peine détaché de la Nouvelle-Galles, le Victoria eut ses journaux et ses recueils particuliers. Le nombre s’en est multiplié à Melbourne,