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et de nos moyens de défense. Personne n’ignore dans le Cotentin qu’il n’entre pas un soldat à Cherbourg ou une gargousse dans l’arsenal que l’amirauté d’Angleterre n’en soit informée; le surintendant de Portsmouth en sait à cet égard autant que le préfet de notre premier arrondissement maritime. Il n’y a par conséquent ni indiscrétion ni danger à signaler à l’attention de nos compatriotes des côtés faibles ou des négligences sur lesquels on n’a rien à apprendre au-delà du détroit. Considérer avec calme et fermeté notre situation est au contraire la première condition à remplir pour y porter des remèdes et des améliorations.

Sans entrer dans aucune discussion sur la puissance respective de l’artillerie des vaisseaux et de celle des batteries de terre, mais sans perdre de vue que tout moyen d’attaque peut être retourné contre l’agresseur, voici dans quel état une attaque par mer trouverait Cherbourg, et il ne s’agit point ici d’une circonstance accidentelle, mais d’un état permanent depuis longues années. Le commandement y est partagé entre un contre-amiral et un général de brigade. Quelle que soit la précision des règlemens qui fixent pour la guerre les attributions de chacun, il est difficile d’espérer que, dans un cas de surprise, d’incendie, où les plus courts momens sont gros de chances de perte ou de salut, le conflit, ou, si l’on veut, la louable rivalité entre des officiers d’armes différentes, n’entraînât pas au moins quelques pertes de temps. L’arrivée d’un supérieur devant lequel se tairaient tous les antagonismes rétablirait sans doute l’unité d’action; mais ce supérieur est à Caen, c’est le commandant de la division, et son départ fùt-il instantané, pendant les deux heures qu’il mettrait à faire le trajet, l’arsenal pourrait être consumé. Les commandans militaires devraient être sur les points stratégiques du territoire à la défense duquel ils veillent ; si Caen est le centre géographique de la division militaire, Cherbourg en est le cœur et l’épée : c’est le lieu de l’action. Ce qui est vulnérable et ce qu’il faut défendre est là, et non ailleurs. Les Anglais n’ont point commis de méprises semblables dans le choix de la résidence du commandant supérieur d’un territoire voisin : il est à Jersey, c’est-à-dire au point le mieux placé pour la défense et pour l’attaque. En transportant à Cherbourg le commandement de la division militaire, on ne ferait qu’appliquer un principe de sûreté si évident qu’il ne se discute pas. Quand il n’y aurait pas à cette mesure d’autre avantage que de familiariser d’avance les uns avec les autres ceux qui doivent commander et ceux qui doivent obéir dans des combats inopinés, c’en serait assez pour en faire sentir la nécessité.

La défense de la rade, du port et de la ville implique la mise en batterie de trois cent cinquante pièces de canon. Cent cinquante ca-