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de la digue, et deux forts circulaires sont assis sur les musoirs[1].

Combien la rade ainsi couverte peut-elle contenir de vaisseaux? Telle est la question qui s’offre naturellement à l’esprit en présence de la digue aujourd’hui terminée. Cette question a reçu les réponses les plus diverses. M. de La Bretonnière croyait qu’en garnissant toute la rade de corps-morts, sur les bouées desquels s’amarreraient les vaisseaux, on pourrait y en faire tenir quatre-vingts; il est vrai qu’il entendait des vaisseaux de 74, et cet échantillon normal de son temps est aujourd’hui réformé comme trop faible. En prenant les précautions qu’il indiquait, peut-être pourrait-on en réunir cinquante ou soixante; dans des circonstances ordinaires, on n’irait pas au-delà de vingt-cinq ou trente, et les plus hardis marins ne croient pas que, par un mauvais temps, on y pût prendre mouillage avec plus de quinze vaisseaux à voiles. Les frégates, les corvettes et les bâtimens de flottille se placent en dehors du mouillage des vaisseaux. Ces ressources, il faut l’avouer, sont peu de chose en face de Portsmouth et des mouillages des Dunes, de Spithead et du Soient, où seraient à l’aise toutes les flottes réunies de l’Angleterre et de la France. C’est une raison de donner des succursales à la rade de Cherbourg, et la chose n’est pas impossible.

La rade d’abord, le port ensuite, telle était la conclusion du mémoire remis en 1777 par M. de La Bretonnière à M. de Sartines, et pour présenter ici les choses dans cet ordre logique, il a fallu laisser en arrière d’immenses travaux qui pendant quarante années ont marché parallèlement à ceux de la digue. Le creusement du port proposé par Vauban en 1696 fut décidé en 1787, au moment où le système de construction à pierres perdues prévalait pour la digue : on voulait faire servir les déblais des bassins à l’exhaussement de la colline sous-marine sur laquelle se brisaient déjà les lames à l’entrée de la rade; mais il n’était pas réservé aux auteurs de cette combinaison d’en faire l’application, et le creusement du port militaire ne devait être entrepris qu’en 1803.

  1. Cet ouvrage, auquel n’est comparable aucun des ouvrages analogues qui existent sur le globe, a coûté : ¬¬¬
    Sous Louis XVI (par approximation) 31,000,000 fr.
    Napoléon Ier 7,580,693
    Louis XVIII et Charles X 398,575
    Louis-Philippe 20,522,125
    la république 6,001,105
    Napoléon III 1,696,677
    Total 67,199,698 fr.

    Ce qui revient à 18,929 fr. par mètre courant.