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tonnière, de Bavre[1], de Cessart et lui sur le placement du premier cône : « Il a été aussi question de la dimension de la rade et du gisement des deux branches du môle. M. de Bavre, qui connaît parfaitement la rade, a prononcé qu’on ne peut pas se mettre en avant de l’Ile-Pelée et de la pointe de Querqueville, qu’en l’élevant en dehors de cette parallèle, on trouverait des courans très violens... » Il paraît que M. de La Bretonnière s’était rangé à l’avis de M. de Bavre, car la note se termine ainsi : « Comme ces messieurs ont un plus grand intérêt que personne de nous, en leur qualité de marins, à ne pas rétrécir les dimensions de la rade, comme ils regardent ce qu’on voudrait se donner de surplus comme gigantesque et impossible, il semble que leur avis doit prévaloir. »

Ces détails autorisent à croire que l’emplacement de la digue n’a point été déterminé avec autant de légèreté que se sont plu à le répéter tant d’hommes éminens. Comme il arrive toujours, les critiques les plus véhémentes ont été celles de personnes qui, étrangères par leurs études aux difficultés avec lesquelles l’exécution était aux prises, se sont trouvées à l’aise pour les négliger. La simple récapitulation de toutes les études faites sur l’établissement de Cherbourg avant et pendant les travaux suffirait à lasser la patience du lecteur, et jamais reproche ne fut moins fondé que celui qu’on a fait à nos aînés d’avoir abordé cette entreprise sans y être suffisamment préparés.

La direction définitivement adoptée par la marine pour la digue fut celle de la pointe de Querqueville à l’Ile-Pelée, et la seule concession que réclamèrent et qu’obtinrent alors les officiers de l’armée de terre fut une inflexion de 11 degrés vers le sud, qui mit sur une longueur de l,174 mètres le revers extérieur de la partie orientale de la digue sous la protection du canon du fort de l’Ile-Pelée. C’était, comme le remarquait judicieusement M. Beautems-Beaupré, sacrifier une grande chose à une petite, si petite, que le fort auquel se faisait ce sacrifice n’avait coûté, c’est Dumouriez qui nous l’apprend, que 17,000 francs. Les choses furent ainsi réglées en 1781, et l’on se proposait de former la digue de deux tronçons égaux séparés au milieu par une passe de 3 à 400 toises; cette disposition paraissait la plus convenable pour la sortie d’une flotte dont l’avant et l’arrière-garde prendraient la passe du milieu, et les ailes les passes latérales; mais une commission de douze officiers-généraux ou ingénieurs, présidée par le bailli de Suffren, fut d’avis qu’elle aurait moins d’avantage pour la manœuvre des vaisseaux que d’inconvénient pour le mouillage, et l’on y renonça en 1787. Ce perfection-

  1. M. de Bavre, lieutenant de vaisseau de beaucoup d’instruction, avait été chargé d’un sondage de la rade et de l’hydrographie des parages attenans.