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ce penchant présumé national que le roi Frédéric-Guillaume IV se raidissait, peut-être à l’excès, dans son effort pour n’admettre en fait de libertés que celles qu’il nommait des conséquences historiques et rejeter le reste comme théories dangereuses. Quoi qu’il en soit, la résistance fut loyalement opiniâtre sans être absolue : elle enraya sans détruire; elle restreignit l’impulsion sans briser, sans fausser gravement le ressort. De là maintenant facile et heureux progrès sous un nouvel ascendant; de là, pour le prince éclairé qui reçoit la couronne en garde, la plus noble mission à remplir, l’affermissement de la constitution par l’action complète qui lui sera laissée, le ralliement des esprits par le mouvement même des chambres législatives, et par la juste influence que ce mouvement assure au patriotisme, au talent, à l’aptitude politique.

Le roi aujourd’hui retiré du conflit des affaires disait, il y a bien des années, dans une des occasions solennelles qui précédèrent ses luttes intestines, que la Prusse, forte de son territoire compacte et de ses quinze millions d’âmes, la Prusse agricole et guerrière avait désormais un rôle considérable en Europe et qu’elle n’en descendrait pas. Il faut reconnaître que son rôle peut beaucoup s’élever dans l’ordre moral et politique par l’entière et heureuse action des garanties sociales dont la Prusse a déjà le cadre et les formes. Les esprits y sont préparés : la première expérience est faite, les inconvéniens sont connus et signalés, les avantages bien compris. Les doctrines de M. Ancillon ne trouveraient plus en Prusse un seul écho accrédité; toutes les opinions qui s’avouent y veulent également la monarchie agissant par les chambres et avec les chambres. C’est à cette disposition dominante que s’adressait dernièrement le sage et ferme langage du prince dépositaire de la régence; c’est le résultat que va mettre en évidence une épreuve mémorable. L’esprit pénétrant et tenace qui est aussi un des attributs de la race allemande l’emportera sans nul obstacle sur l’esprit d’illusion et de rêve. La Prusse est par cela même aujourd’hui le terrain le mieux préparé; les hommes y répondent à la circonstance, les plus nobles gages de l’avenir y portent secours au présent. La Prusse, sous de tels auspices, nous parait destinée à donner prochainement deux grands exemples au monde : la réalité active des libres institutions dans une monarchie, la pratique intelligente et vraie de ces institutions servant à la stabilité du trône et à la prospérité non moins qu’à la dignité du pays!


HENRY BLAZE DE BURY.