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« Priez en récitant les formules sacramentelles, et vous vous préparerez à l’immortalité. »


Bien qu’elles fussent écrites sur le sable, ces paroles n’étaient point de celles qu’un bouddhiste zélé laisse passer sans en orner sa mémoire. A mesure que le pinceau magique les traçait sur la planche, le vieillard les transcrivait sur une pièce de soie. Quand la copie fut achevée, il la présenta à Pao-ly, qui en prit lecture et reconnut, après l’avoir étudiée quelques instans, que ces sentences répondaient parfaitement aux questions qu’il avait formulées dans le silence de la méditation. Il ne lui restait plus qu’à mettre en pratique ces divins préceptes ; sa résolution fut aussitôt prise de quitter sa famille et de se consacrer entièrement à la prière pour arriver enfin à cette perfection tant désirée.

Cependant le jour baissait, et les ténèbres se répandaient dans le sanctuaire. Conduit par le bonze dans une petite grotte voisine de celle où venait de s’accomplir le prodige, Pao-ly réfléchissait sur le sens des paroles que le dieu avait dictées au pinceau magique. Il se promettait d’être plus attentif aux choses spirituelles, de prier à l’avenir avec plus de ferveur, de marcher avec une foi plus vive dans la voie qui conduit à la libération finale. La nuit s’avançait ; la lampe allumée au fond de la grotte ne lançait plus que des lueurs douteuses. Assis près d’une table sur laquelle se trouvaient placés tous les ustensiles dont les Chinois se servent pour peindre les caractères de leur langue, le voyageur prit machinalement un pinceau. Ce pinceau paraissait n’avoir pas servi depuis longtemps, il était sec ; mais à peine Pao-ly l’eut-il posé sur une feuille de papier que la touffe de poils de lièvre, imprégnée d’une encre fine et luisante, se mit en mouvement d’elle-même. Pao-ly méditait toujours ; ses yeux se fermèrent, sa lampe s’éteignit… Quelle ne fut pas sa surprise d’apercevoir le lendemain matin, quand les premières lueurs de l’aube vinrent éclairer le fond de la grotte, sept stances régulièrement tracées, et d’une écriture qui ne ressemblait en rien à la sienne ! Voici ce que disaient ces stances :


« À quoi bon disputer sur les choses abstraites et parler de formules magiques ? — à quoi bon s’appliquer à pénétrer les choses mystérieuses et à approfondir les secrets de l’existence ? — à quoi bon abandonner ses occupations et se retirer du milieu des hommes ? — à quoi bon élever la voix et lire d’un ton sonore pour se faire entendre des autres ? — à quoi bon former des vœux et demander une félicité parfaite ? — à quoi bon se retirer dans les couvents et se raser la tête ? — à quoi bon mendier le repas maigre aux portes des maisons, et frapper le tambour[1] devant les porches des palais ? —

  1. Les bonzes chinois ont coutume de frapper sur un tambour pour se faire entendre des personnes auxquelles ils demandent le repas maigre qui compose leur nourriture.