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tenaient toutes à l’école moderne. Par malheur, faute d’expérience ou d’études persistantes, les estampes gravées d’après les anciens maîtres ont trop souvent les mêmes imperfections, et ne sauraient dès lors avoir les mêmes titres à l’indulgence.

Le goût de l’agréable, da joli, voilà en effet le défaut ordinaire des planches que les graveurs publient de nos jours : telle est l’influence fatale à quelques-uns, à demi combattue par d’autres, dangereuse pour tous, qui se trahit en toute occasion, et contre laquelle on ne pourrait s’élever avec trop d’énergie, parce qu’elle compromet à la fois le présent et l’avenir, l’autorité actuelle des maîtres et le talent futur des disciples, en un mot la perpétuité des traditions qui ont été de tout temps la sauvegarde et l’honneur de l’art français.

Pour compléter la revue des œuvres diversement recommandables que l’école française de gravure a mises au jour dans le cours des dernières années, il faudrait mentionner au moins la Vierge et l’Enfant, Saint Ambroise, Saint Étienne et Saint Maurice d’après le tableau de Titien que possède le musée du Louvre, gravés par M. Pascal avec une énergie de ton peu commune et l’intelligence assez vive, sauf dans la figure de l’enfant, des beautés d’une toile dont on n’avait jusqu’ici que des copies insignifiantes ou absolument mauvaises ; — la Marie-Antoinette de M. Alphonse François d’après M. Delaroche, traduction habile et, à quelques égards, heureusement infidèle d’un tableau dont l’effet et le coloris opaques exigeaient dans l’interprétation cette sage liberté. Il faudrait citer aussi plusieurs pièces gravées au burin d’après M. Scheffer — Dante et Béatrice par M. Leconte, Saint Augustin et sa Mère par M. Beaugrand, — bien que la recherche excessive d’un style pur aboutisse trop souvent ici, comme dans les peintures originales, à l’insuffisance ou à l’exiguïté de la forme. Certaines estampes à l’aqua-tinte pourvues de qualités sérieuses appelleraient l’examen et l’éloge à côté des œuvres de la gravure en taille-douce, — le portrait, entre autres, de M. Villemain par M. Girard d’après M. Scheffer, et surtout les Girondins, gravés d’après le tableau de M. Delaroche par M. Girardet : travail remarquable, auquel le mélange, bien habile pourtant, des divers procédés donne assurément moins de prix que la fermeté du sentiment pittoresque. Enfin, dans cette multitude de vignettes sur bois qui ornent les publications de la librairie parisienne et les recueils périodiques, on trouverait plus d’un gage de talent véritable, plus d’un témoignage de savoir et de goût. Toutefois, pour indiquer l’état actuel de la gravure en France, nous croyons moins utile d’enregistrer une à une toutes les œuvres de quelque importance que de présenter une vue d’ensemble sur les tendances de l’école et sur les efforts qu’elle tente pour faire justice de nouveautés décevantes.