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tombaient sans reculer sous la fusillade des assiégés, un petit groupe de soldats du génie courait, en avant de tous, vers la porte de Cachemyr. Un horrible épouvantail les y attendait. L’ennemi avait enchaîné en dehors de cette porte un malheureux Anglais fait prisonnier dans quelque sortie, et que les boulets des batteries anglaises avaient écrasé. La porte elle-même était fermée; mais, par un guichet resté ouvert, on tirait sans relâche sur le petit détachement qui s’avançait à grands pas. Le lieutenant Salkeld marchait en tête. Avec lui se trouvaient un autre officier (le lieutenant Home), deux sergens anglais (John Smith et Carmichael), un havildar ou sergent indigène (Madhoo), un caporal (Burgess), et un clairon (Hawthorne), tous chargés de sacs à poudre. Aucun d’eux n’avait été atteint quand ils arrivèrent à l’extrémité du pont-levis, qu’ils trouvèrent en place, mais détruit en partie. Ils le traversèrent sans accident; mais au moment où Carmichael dépose contre la porte son sac de poudre, il tombe frappé à mort. Le havildar est blessé. La terrible besogne n’en continue pas moins; le pétard est posé, la traînée s’étale sur le sol. Salkeld tient déjà la mèche allumée..., il reçoit deux balles, dont l’une lui casse le bras. A peine a-t-il le temps de jeter la mèche à Burgess, qui, lui, met le feu à la poudre, mais tombe aussitôt mortellement atteint. Salkeld avait roulé dans le fossé. Le clairon y descend, bande ses blessures, et, sous une pluie de balles, emporte avec tous les ménagemens d’une garde-malade son chef expirant.

La porte a sauté. Le 52e et le 2e les rifles, le bataillon de Kumaon, se jettent dans la ville par cette issue béante, en même temps que Nicholson, malgré une résistance acharnée, chassait les cipayes du bastion de Cachemyr, et une fois dans le voisinage de l’église anglaise, située derrière ce bastion, reformait sa colonne, appelait à lui celle du brigadier Jones et, se portant sur sa droite, le long des remparts, se dirigeait vers le bastion du Shah et la porte Morie. La réserve, une fois l’assaut réussi, était venue couvrir les positions enlevées, et le laissait ainsi maître de ses mouvemens. En revanche, il trouvait partout devant lui des maisons occupées, des canons en position à l’extrémité des rues. Il fallait conquérir le terrain pied à pied. Avec lui était le thanadar de Peshawur[1], un des auxiliaires afghans, dont nous emprunterons les paroles naïves pour reproduire les détails de ce qui suivit :


« En avançant dans la direction de Skinner’s house[2], il prit encore là

  1. Khajah-Khan-Raus, Mouzah-Warajaub-Hussein. — Voyez son récit entier dans l’Appendice de la Crisis in the Punjaub, p. 249.
  2. Le colonel Skinner, après avoir habité longtemps à Delhi comme résident et y avoir formé plusieurs corps irréguliers, avait fini par y établir sa famille.