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porte de Cachemyr, devait pénétrer dans la place par cette issue après qu’on aurait fait sauter la porte au moyen du pétard.

En même temps, la quatrième colonne (environ 850 hommes, tous indigènes, parmi lesquels figuraient les guides et le bataillon de Sirmoor), commandée par le major Reid, devait, du haut du ridge, se précipiter sur le faubourg de Kissengunge et pénétrer dans Delhi par la porte de Lahore. Le contingent de Cachemyr, composé, nous l’avons dit, de 2,200 hommes, agissait de concert avec elle.

Enfin une cinquième colonne, formant la réserve, était composée d’un régiment anglais (le 61e) comptant 250 baïonnettes, d’une partie des rifles (200 hommes), d’un bataillon de Beloutchis et d’un régiment du Pendjab (ces deux corps représentant une force de 750 hommes), enfin des 300 soldats amenés par le rajah de Jheend. — La garde du camp restait confiée aux malades.

On voit, en récapitulant bien ces chiffres, que 1,700 soldats anglais, soutenus par 2,300 indigènes disciplinés à l’européenne et par 2,500 hommes de troupes purement indiennes, le tout formant un total d’environ 6,500 hommes, — non comprise la brigade de cavalerie, 610 sabres environ, — allaient livrer, dans les conditions déjà dites, cet assaut qui, s’il échouait, pouvait, devait compromettre le sort de l’Inde anglaise tout entière.

La matinée était sombre, la chaleur étouffante. Les trois premières colonnes et la réserve étaient massées derrière les bâtimens de Ludlow-Castle, l’ancienne résidence des délégués anglais à Delhi, située en avant du ridge, non loin des bords de la Jumna, derrière la seconde des batteries de siège, et à peu près en face du bastion de Cachemyr. Au signal donné, les batteries se taisent subitement, les rifles poussent un hourrah d’enthousiasme, et se précipitent, tirailleurs éparpillés, en rase campagne. Un moment après apparaissent les têtes des deux premières colonnes, émergeant de leurs abris. L’artillerie des bastions ennemis était réduite au silence depuis plusieurs heures déjà; mais les remparts étaient couverts de cipayes, et un feu terrible de mousqueterie s’ouvre, aussitôt qu’elles se montrent à découvert, sur les troupes lancées en avant. Les rifles, dont la mission était de couvrir l’attaque, ne résistent pas à la tentation de courir les premiers à la brèche. Quelques-uns d’entre eux se précipitent sur le bastion de l’eau, en chassent les cipayes, et, trouvant là quelques canons en état, les tournent rapidement contre l’ennemi, qu’ils ont mis en fuite.

Le soleil, qui justement alors commençait à percer les brumes matinales, éclaira une scène héroïque. Tandis que, parvenus à la crête des glacis et ne trouvant pas dans le fossé les échelles destinées à gravir l’escarpe, officiers et soldats, arrêtés là dix minutes,