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(décembre 1845) et vinrent prendre position près de Ferozepore. La bataille de Modkee (18 décembre) leur fut livrée, et là, pour la première fois, en rase campagne, l’armée anglaise faillit succomber. Elle vainquit cependant, mais à grand’peine, et la victoire n’avait rien de décisif. Il fallut encore les deux sanglantes journées de Ferozeshur (21 et 22 décembre) pour forcer les Sikhs à repasser le Sutledje, ce qu’ils firent sans être poursuivis ou inquiétés le moins du monde, car l’armée anglaise ne put se remettre en campagne de tout un mois. Son prestige, déjà ébranlé par la désastreuse retraite du Caboul, le fut peut-être encore davantage par ces combats où des forces régulières indiennes lui disputaient si vivement le terrain. Et l’on peut dire que si la conquête forcée du Pendjab fut une «queue » de la guerre afghane, la révolte de 1857 a été une «queue» de la première campagne contre les Sikhs. Les cipayes qui les combattaient se promirent peut-être dès lors d’imiter leurs exploits et de lutter, eux aussi, contre l’ascendant jusque-là irrésistible de la discipline européenne.

Les batailles d’Aliwal et de Sobraon achevèrent, le 28 janvier et le 10 février 1846, la destruction de l’armée des Sikhs. Le maharajah se soumit, et la route de Lahore fut ouverte. Libre de faire ses conditions, le gouverneur-général (lord Hardinge) s’était flatté d’organiser dans le Pendjab un protectorat qui rendrait inutile l’annexion de cette nouvelle conquête. Il en détacha le Cachemyr et quelques autres territoires, qu’il donna comme royaume à ce même Gholab-Singh dont parle aussi Jacquemont, et dont le nom a retenti fréquemment dans le tumulte de la dernière lutte; mais il avait compté sans les désordres inséparables d’une minorité dans un pays aussi anarchique. N’entrons pas dans le détail d’événemens trop récens pour être encore oubliés, ne racontons ni le meurtre d’Agnews et d’Anderson, ni le siège de Moultan : rappelons seulement que les difficultés du Pendjab devinrent telles qu’il fallut avoir recours aux mains les plus énergiques, à l’expérience la mieux éprouvée, pour sortir de ces nouveaux embarras. Charles Napier fut encore envoyé dans l’Inde, et comme il hésitait à partir, lord Wellington le décida par cette parole souvent citée : « Vous ou moi, il faut que nous allions là-bas! » Quand l’ex-proconsul du Scinde arriva dans le Pendjab (1849), l’annexion de ce pays était devenue la conséquence définitive et d’une rébellion traîtreusement préparée en 1848, et de la campagne victorieuse qui à Goujarat avait, en fin décompte, anéanti cette insurrection[1].

  1. La proclamation qui déclare le Pendjab compris dans le domaine de la compagnie est en date du 29 mars 1849. Elle est signée de lord Dalhousie, qui, dès 1847, avait succédé à lord Hardinge. C’est encore lord Dalhousie qui, avant son départ de l’Inde en 1855, consomma l’annexion de l’Oude