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et les paysans se partageaient les 35 millions d’hectares restans. Or voici quelle était, en 1815, suivant un des plus grands ennemis de la division des terres, M. Rubichon, cette distribution :


21,456 familles possédant en moyenne 880 hectares 19 millions d’hectares.
168,643 — — 62 — 10,500,000 —
217,817 — — 22 — 4,800,000 —
265,533 — — 12 — 3,000,000 —
258,452 — — 8 — 2,000,000 —
361,711 — — 5 — 1,800,000 —
567,687 — — 3 — 1,700,000 —
851,280 — — 1 — 66 ares. 1,400,000 —
1,101,421 — — » — 50 — 550,000 —
3,814,000 propriétaires de terres possédant 44,750,000 hect.
Propriétés de l’état et des communes 5,250,000 —
Total 50,000,000 hect.

Je n’ai pu retrouver l’origine de ces chiffres, mais M. Rubichon les donne comme ayant un caractère positif et officiel ; il en résulterait qu’après vingt-cinq ans de révolution, la grande propriété possédait encore la moitié environ du sol, et que la petite, même en y comprenant les domaines de 12 hectares en moyenne, n’embrassait même pas ce tiers que lui attribuait Arthur Young en 1789. Depuis 1815, la division a fait des progrès bien autrement marqués, qui montrent ceux qu’elle aurait faits naturellement de 1789 à 1815, si elle avait été livrée à elle-même. Au lieu de 22,000 familles de riches propriétaires, nous en avons aujourd’hui au moins le double, et par conséquent la part de chacune d’elles a dû diminuer environ de moitié, mais comme en même temps la valeur des biens a doublé, la richesse moyenne est restée la même. De leur côté, les petits propriétaires, qui, d’après M. Rubichon, étaient au nombre de 3 millions et demi en 1815, sont aujourd’hui beaucoup plus nombreux; ils ont gagné du terrain, et on ne saurait qu’y applaudir, car ils l’ont conquis par le travail, non par la spoliation, si bien qu’ils l’ont payé en général au-dessus de sa valeur.

Telles ont été, à première vue, les conséquences de l’ordre légal et régulier, de la paix intérieure et extérieure, de la liberté civile et politique, c’est-à-dire des véritables conquêtes de la révolution : mieux fait douceur que violence. Nous allons maintenant pénétrer dans les détails et chercher quels ont pu être, dans l’ordre purement agricole, les effets des principes généraux qui ont inspiré, soit l’ensemble de nos lois, soit la loi spéciale de 1791, si souvent qualifiée de code rural. Ces faits n’ont en apparence aucun rapport avec l’ordre civil et politique, mais en réalité ils en découlent, u La religion chrétienne, dit Montesquieu, qui ne semble avoir d’objet que la félicité de l’autre vie, fait encore notre bonheur dans celle-ci. »