Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 18.djvu/458

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

développer à ce point, et que cependant)e sol est encore loin de tomber en poussière.

On peut enfin reprocher à la révolution d’avoir créé ou du moins fortifié, dans sa haine pour la propriété nobiliaire, une espèce particulière de main-morte qui a plus que compensé la réduction de la main-morte ecclésiastique. Dans l’ancien droit, la propriété des terres vaines et vagues était disputée entre les seigneurs et les communes. La révolution a tranché le débat en les attribuant exclusivement aux communes. Quand les idées des économistes ont commencé à pénétrer dans le gouvernement, c’est-à-dire vers 1760, on avait entrepris de diviser les communaux. Un arrêt du conseil entre autres, de mars 1777, avait ordonné qu’en Flandre on en fît trois parts, l’une pour le seigneur, l’autre pour les habitans, la troisième pour être amodiée ou vendue au profit de la commune. Si le gouvernement royal avait duré, on serait certainement parvenu à les faire tous passer peu à peu, sous une forme ou sous une autre, dans le domaine de la propriété privée. Deux lois de la période révolutionnaire, l’une de 1792, l’autre de 1793, ordonnèrent à leur tour le partage; mais, des difficultés d’exécution s’étant élevées, on y renonça, et la jouissance en commun, la plus mauvaise de toutes, finit par l’emporter. Cinq millions d’hectares, le dixième du territoire, ont été ainsi frappés de stérilité et d’immobilité, autant du moins que le pouvait la loi, car des aliénations volontaires en ont depuis réduit beaucoup l’étendue; mais le principe subsiste toujours avec ses tristes conséquences, tandis qu’en Angleterre et en Écosse, où des principes contraires ont prévalu, presque toutes les terres autrefois incultes sont aujourd’hui parfaitement cultivées. En France même, les pays où les communaux ont été partagés ou vendus, soit avant 1789, soit depuis, sont sans comparaison plus riches et plus peuplés que ceux qui ont conservé de grandes étendues de terres communes.


IV.

Nous venons de voir combien les mesures révolutionnaires ont peu profité à l’agriculture, puisque la plupart de leurs résultats auraient pu être obtenus sans spoliation et sans secousse, par le seul effet de l’égalité civile et de la liberté politique inaugurées en 1789. Il faut aussi montrer à quel prix ces mesures ont été achetées, et combien l’agriculture a souffert de la perturbation générale qu’elles ont amenée.

Transportons-nous de nouveau à la fin d’août 1789. L’assemblée nationale vient d’abolir le régime féodal, les dîmes, les privilèges, et de déclarer rachetables les redevances, champarts, rentes fon-