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beaucoup de cas l’exportation des denrées agricoles, et qui, dans beaucoup d’autres, y met obstacle indirectement.

N’oublions pas d’ailleurs de rapporter à son véritable auteur, à Turgot, l’honneur de la loi de 1791. Les principes de cette loi sont d’avance inscrits dans les fameux édits de 1774, 1775 et 1776. « La prospérité publique, disait le roi dans le préambule de l’édit sur les vins, a pour premier fondement la culture des terres, l’abondance des denrées et leur débit avantageux, seul encouragement de la culture, seul gage de l’abondance. Ce débit avantageux ne peut naître que de la plus entière liberté des ventes et des achats. C’est cette liberté seule qui assure aux cultivateurs la juste récompense de leurs travaux, aux propriétaires un revenu fixe, aux hommes industrieux des salaires constans et proportionnés, aux consommateurs les objets de leurs besoins, aux citoyens de tous les ordres la jouissance de leurs droits. » On reconnaît dans ce langage le prélude évident de ces belles paroles de la loi de 1791 : « Le territoire de la France, dans toute son étendue, est libre comme les personnes qui l’habitent. » La loi de la révolution n’a fait que confirmer ce qu’avait dit l’édit royal quinze ans auparavant, et au moment où ont paru les édits de Turgot, on avait plus de mérite à parler ainsi qu’en 1791, car les préjugés du passé étaient bien autrement vivans et puissans, témoin la résistance insensée que ces innovations soulevèrent dans toutes les classes de la société.

Ici s’arrête l’heureuse influence de la révolution sur l’agriculture, parce qu’en effet ici s’arrêtent les idées de 89; à partir des derniers mois de cette année si pleine d’événemens, l’assemblée nationale, qui seule représentait la France, perd la direction du mouvement; elle obéit et ne commande plus. A l’esprit de justice et de liberté succède l’esprit de violence et d’oppression; tous les droits sont foulés aux pieds, toutes les propriétés violées, toutes les libertés détruites, le sang finit par couler à flots. Les législateurs de 1789, disciples de Turgot et de Malesherbes, connaissaient les lois de l’ordre économique comme les véritables conditions de la liberté politique; leurs successeurs ignorent tout et confondent tout. Quand il s’agira, après bien des épreuves, de fonder une organisation régulière, il faudra revenir au point de départ.


II.

Deux des actes les plus violens de la révolution sont souvent présentés comme ayant rendu de grands services à l’agriculture en divisant le sol : la vente générale des biens du clergé, la vente des biens des émigrés, des déportés et des condamnés révolutionnaire-