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Dans son grand ouvrage sur l’Administration des Finances, publié en 1784, Necker évalue le nombre annuel des naissances à 1 million, et celui des décès à 818,000, soit un excédant de 182,000 existences nouvelles par an, ce que nous sommes loin d’égaler aujourd’hui.

À cette prospérité renaissante se mêlaient toujours de graves abus. L’ancien régime, assiégé de toutes parts, ébranlé dans ses fondemens, résistait encore. Les intérêts nouveaux manquaient de garanties : la nation, qui sentait sa force et qui ne voulait plus retomber dans l’abîme d’où elle sortait, les exigea. Les états-généraux furent convoqués. Dès leur réunion, l’ordre nouveau qu’appelaient les vœux et les besoins apparut tout entier. La double représentation du tiers, la réunion des ordres, le vote par tête, furent des pas décisifs vers ce que la France voulait, l’égalité civile et la liberté politique. Les premières délibérations de l’assemblée inscrivirent dans la déclaration des droits, sous une forme trop métaphysique sans doute, mais énergique et nette, les principes immortels qui sont comme la raison même de tous les peuples civilisés. Le comité de constitution, inspiré par Mounier, jeta les bases d’une constitution libre. La nuit du 4 août y mit le sceau en amenant l’abandon spontané des privilèges par les privilégiés eux-mêmes. Tout était dit alors : la révolution légitime était accomplie. Malheureusement l’impatience nationale, cette furie française qui nous a si souvent perdus au milieu de nos succès, voulut aller plus loin, et le bel édifice que les travaux de tout un siècle avaient préparé s’écroula pour ne se relever qu’après d’horribles convulsions.

Arrêtons-nous un moment à cette grande date d’août 1789, et voyons quels étaient les termes des articles rédigés le 11 à la suite des résolutions du 4. L’assemblée nationale, est-il dit dans l’article 1er, détruit entièrement le régime féodal ; elle décrète que, dans les droits tant féodaux que censuels, ceux qui tiennent à la servitude personnelle sont abolis sans indemnité ; tous les autres sont déclarés rachetables, le prix et le mode du rachat seront fixés par l’assemblée nationale. » Les articles 2 et 3 abolissent le droit exclusif de colombier et le droit de chasse et de garenne ouverte. L’article à supprime les justices seigneuriales. L’article 5 supprime les dîmes possédées par des corps séculiers et réguliers, sauf à subvenir d’une autre manière aux dépenses du culte et au soulagement des pauvres ; il déclare rachetables les autres dîmes, de quelque nature qu’elles soient. L’article 6 déclare également rachetables les rentes foncières perpétuelles, soit en nature, soit en argent, et les champarts[1] de toute espèce. L’article 7 supprime la vénalité des

  1. On entendait par champart le prélèvement en nature d’une partie des fruits obtenus par la culture.