Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 18.djvu/433

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gner l’anatomie. Les dissections sont lentes et difficiles : elles apprennent même peu de chose sur l’action spéciale des muscles. Des deux points d’attache, de la longueur, de la forme de chacun d’eux, des dimensions de l’os et de la connaissance des lois du levier, on conclut d’une manière assez incertaine aux effets de la contraction. Les mouvemens ne sont jamais simples, et plusieurs muscles concourent par leurs contractions à l’accomplissement du plus facile d’entre eux, les uns comme auteurs principaux, les autres comme aides. Dans l’action d’écrire par exemple, plus de vingt muscles se contractent pour placer chacun des doigts dans la position qu’il doit occuper, serrer les dernières phalanges, appuyer le poignet et le bras sur la table, les pousser tantôt à droite et tantôt à gauche, plier le coude, donner à l’humérus un léger mouvement de rotation autour de l’épaule, etc. L’énumération des muscles ainsi contractés prendrait des pages entières. Quoique la myologie soit la plus facile et la plus connue des parties de l’anatomie, quoique Winslow et Borelli aient éclairci la mécanique des membres, tout n’est pas dit. Les muscles si compliqués de la main sont mal connus, du moins quant à leurs usages. L’électrisation ne servirait-elle qu’à vérifier des connaissances acquises, elle aurait son importance; mais de plus elle a commencé à rectifier des erreurs. On a fait là, comme on l’a dit, de véritables autopsies sur le vivant. L’étonnement était grand, il y a. peu d’années, lorsque M. Duchenne rendait témoins de ses expériences les élèves de l’ingénieux professeur Bérard. Il faisait, par une contraction électrique et involontaire, exécuter aux membres les mouvemens les plus divers et les plus compliqués. Aidé par sa connaissance profonde de l’anatomie, il nous montrait quels muscles abaissent le bras, quels autres l’élèvent, et comment, par plusieurs contractions simultanées, les grands changemens de volume et de forme d’un membre qui se contracte sont évités. Un même mouvement peut être exécuté dans des conditions bien diverses suivant le nombre de muscles qui agissent. On peut observer ces différences dans des cas particuliers de paralysie. Le membre malade peut souvent encore exécuter tous ses mouvemens, mais des bosses disgracieuses apparaissent aussitôt. Ces difformités sont cachées dans l’état normal par les contractions simultanées de muscles analogues ou antagonistes, et l’équilibre est rétabli. On pourrait chercher dans cette complication merveilleuse de grands argumens pour les causes finales, et Galien n’y aurait pas manqué; mais d’où vient la nécessité qu’un muscle, en se contractant, durcisse et change de forme?

Les anatomistes aiment à parler de l’application de leur science aux arts, à la peinture et à la sculpture. Sous ce rapport, les expériences de M. Duchenne sont également précieuses. Rien n’est plus