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quelques malades guérirent, et des apparences de succès encouragèrent les praticiens. On arriva ainsi peu à peu à torturer les malades par des applications faites au hasard d’une force terrible et inconnue, qu’on ne pouvait mesurer ni graduer, et qui, soit qu’on employât la bouteille de Leyde ou la machine électrique, pouvait produire et produisait des accidens graves. Quoique pour l’effet des remèdes nouveaux les illusions des médecins qui croient guérir égalent celles des malades qui se figurent être guéris, on ne pouvait méconnaître les paralysies nombreuses, et malheureusement les morts aussi causées par cette médicamentation inconsidérée, qui n’eut pas même pour effet de conduire à la découverte réservée à Franklin. Il est probable que des gens plus habiles auraient su conclure de l’identité dans les effets à l’identité dans la cause, et assimiler les décharges électriques à la foudre. Dans les nombreux accidens qu’ils ont causés, et que la plupart se sont bien gardés de raconter, les praticiens qui employèrent l’électricité ont dû observer quelques-uns de ces phénomènes singuliers qu’on rencontre rarement, puisqu’il ne meurt environ en France par an que cent quarante personnes frappées du tonnerre, et quatre mille dans le monde entier[1]. Ils ont dû voir ces morts debout, ces vêtemens enlevés et transportés assez loin quelquefois, ces images imprimées sur le corps des individus foudroyés, ces surdités, ces amauroses, ces paralysies, ces brûlures. Voilà de quels phénomènes ils pouvaient parler, et dans ce cas leurs cruelles expériences eussent du moins servi à quelque chose.

Après la découverte de la pile, les essais recommencèrent avec plus de succès. M. de Humboldt en 1799, Aldini en 1804, puis Fabré Palaprat, firent les premières expériences, et quoique leurs instrumens fussent très imparfaits, quoiqu’une trop grande confiance dans le galvanisme le fît appliquer à la paralysie comme à la monomanie, à la cécité comme aux spasmes, aux maladies des nerfs comme à celles du sang, on ne peut reprocher que des illusions à ces expérimentateurs. L’électricité dynamique est plus commode et moins dangereuse que l’électricité statique. La vraie manière de l’employer fut pourtant découverte seulement vers 1825 par Sarlandière. Celui-ci faisait arriver l’électricité dans les muscles, en y enfonçant de petites aiguilles qui terminaient les conducteurs de la pile. Ce mode de traitement, l’électro-puncture, fut longtemps en usage, et les plus habiles médecins de notre temps, M. Andral, M. Rayer, M. Magendie, lui ont attribué d’heureux effets. Il n’était plus nécessaire alors d’électriser le corps tout entier, de faire passer le

  1. Annales d’hygiène (année 1855).