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vrai mot du pouvoir. L’hospodar a tout pouvoir pour administrer : que pourra faire contre lui la commission centrale ? Quel contrôle aura-t-elle sur les actes de l’administration ?

Je vois bien dans l’article 32 de l’acte d’organisation que la commission centrale pourra signaler aux hospodars les abus qu’il lui paraîtrait urgent de réformer ; mais si l’hospodar ne tient pas compte des remontrances de la commission centrale, qu’en arrivera-t-il ? Celle-ci, en cas de déni de réforme, pourra-t-elle porter ses plaintes à la cour suzeraine et aux puissances garantes ? Non ; ce droit n’est accordé qu’à l’hospodar en cas de violation des immunités des principautés[1]. La commission centrale n’a donc aucun recours, aucun pouvoir indépendant de l’hospodar. Ajoutez qu’elle est salariée, qu’elle est réélue chaque fois que l’assemblée nationale est réélue, c’est-à-dire tous les sept ans. Quelle force, quelle indépendance peut-on attendre des membres d’une pareille commission, si ce n’est l’indépendance qui vient des caractères ? Mais celle-là dépend des hommes, et elle a sa place dans toutes les institutions. Il y a des pays qui, même avec des institutions despotiques, ont eu la bonne fortune d’avoir des fonctionnaires indépendans ; il y a des pays qui, même avec des institutions libres, ont des députés serviles. Je ne veux pas, encore un coup, tirer un mauvais horoscope de la commission centrale ; mais si quelque publiciste se mettait à prétendre que la commission centrale, telle qu’elle est constituée, a plus de chances pour être le conseil d’état de l’hospodar que pour être le corps chargé de représenter et de préparer l’unité et l’indépendance de la nation roumaine ; s’il prédisait que cette commission servira plutôt aux hospodars pour combattre et pour annuler la représentation nationale de l’assemblée élective que pour maintenir ce qu’il y a d’unité politique, sociale et civile entre les deux principautés ; s’il annonçait qu’elle emploiera les pouvoirs qu’elle a plutôt contre les députés du pays que contre les hospodars et leurs ministres, j’avoue qu’il me serait difficile de contredire ce publiciste. Il est très possible que la commission centrale démente ces tristes augures et devienne le pouvoir libérateur et pacificateur du pays. Personne ne sera plus heureux que moi de m’être trompé dans mes prévisions.

Je veux le répéter en effet, je sais un gré infini au gouvernement français de l’attitude qu’il a prise dans le congrès. Ne pouvant pas y faire prévaloir sa politique, il ne l’a pourtant pas désavouée. Chose curieuse : le gouvernement français, dans le congrès, avait la majorité sur la question de l’union des principautés sous un prince étranger ; la Russie, la Prusse et la Sardaigne votaient avec lui et

  1. Article 9.