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pour plusieurs raisons : d’abord il est le point de départ de la question des principautés, et il exprime dès le commencement toutes les raisons qu’on peut faire valoir en faveur de l’union ; il les exprime avec une précision et une clarté singulières, si bien que tout ce qu’on a dit depuis ce temps n’a été que le commentaire et la paraphrase de ce mémorandum. Je dois même, à ce sujet, faire une observation. Quelques personnes croient et d’autres affectent de croire que l’union des principautés est une fantaisie de lettrés et de publicistes. C’est une grande erreur. Les écrivains qui, en France, se sont occupés de la question des principautés et qui ont soutenu la cause de la nationalité roumaine n’ont point eu la prétention de s’ériger en diplomates et de prononcer d’avance sur la question qu’avait à décider le congrès de Paris. Ils ont suivi la diplomatie ; ils ne l’ont pas devancée. Ces écrivains appartiennent à des nuances très diverses de l’opinion publique ; mais comme le gouvernement français a défendu dès l’origine la cause de la nationalité roumaine, de son union et de son indépendance, ces écrivains n’ont eu qu’à s’associer à cette politique, et ils s’en félicitent ; ils auraient été heureux de voir prévaloir cette politique du gouvernement français dans les délibérations du congrès de 1858, ils l’espéraient encore le 5 février 1857 en lisant le Moniteur, qui maintenait hardiment tous les principes et toutes les conclusions du mémorandum du 26 mars 1855. Ils ont perdu cette espérance ; ils ont été vaincus, mais ils l’ont été avec le gouvernement français, et personne ne peut les railler de leur échec et de la ruine de leurs combinaisons politiques qui ne raille en même temps les auteurs et les défenseurs du mémorandum de 1855.

Il y a des gens qui aimeraient mieux que la défaite qu’a essuyée la nationalité roumaine ne regardât que les Roumains et les écrivains, cela les mettrait à l’aise ; des gens qui croient qu’un gouvernement, et surtout le gouvernement français, ne doit jamais être vaincu et jamais reculer. Nous n’avons pas ces prétentions de Fierabras. Un gouvernement peut avoir raison et il peut cependant être vaincu par la coalition des intérêts ou des préjugés européens. Doit-il alors jeter le gant à l’Europe et risquer le tout pour le tout ? Non, certes. Les gouvernemens peuvent, comme les individus, reculer, tant que l’honneur ou le salut public n’est pas engagé. Les raideurs et les raffinemens du point d’honneur ne sont point à l’usage des gouvernemens ; ils peuvent se résigner à ne pas gagner tout ce qu’ils ont demandé et se contenter de n’obtenir que la moitié ou le quart de ce qu’ils ont voulu.

Telle a été la situation de la France en 1840, et telle elle est encore aujourd’hui. Il y a entre l’attitude de la France, en 1840, dans