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V.

Tandis que Madha-Dji-Sindyah jouait un rôle si brillant à la cour de Pounah, Ismaël-Beg, dont tant de défaites n’avaient point découragé l’esprit entreprenant, se soulevait de nouveau dans l’Hindostan. Touka-Dji-Holkar, de plus en plus jaloux de la prépondérance acquise par son rival, vit avec une joie secrète la levée de boucliers que préparait Ismaël, peut-être même en avait-il été l’instigateur; mais les troupes de Sindyah, accoutumées à vaincre, triomphèrent cette fois encore. Ismaël-Beg, battu et trahi par la garnison du fort de Canoond, où il s’était réfugié, se rendit au général Perron, qui commandait sous de Boigne. L’armée aux ordres de ce dernier consistait en vingt mille chevaux et neuf mille fantassins réguliers. Elle continuait de lever le tribut dans la province de Malwa et sur le territoire des Radjepoutes. De son côté, Touka-Dji-Holkar tenait la campagne et rançonnait le pays. Les deux familles de Holkar et de Sindyah, jadis étroitement unies et maintenant rivales, prétendaient avoir des droits égaux sur certains districts. La question restait pendante depuis le temps de Molhar-Rao et de Rano-Dji; mais l’héritier de ce dernier, le puissant Madha-Dji-Sindyah, retardait toujours le moment de conclure aucun arrangement : il avait pour lui la raison du plus fort. Ce fut précisément sur le territoire contesté que se rencontrèrent Touka-Dji et les lieutenans de Sindyah. Une querelle s’engagea à propos des dépouilles d’un fort que les deux armées venaient de prendre en commun. Touka-Dji, depuis longtemps irrité et comptant sur ses trente mille cavaliers, que soutenaient quatre brigades d’infanterie régulière conduites par le chevalier Du Dernaic[1], — il avait, lui aussi, son officier français, — livra bataille aux troupes de Sindyah. Les brigades de Du Dernaic combattirent jusqu’à la fin avec un courage héroïque; mais, à la suite d’une lutte acharnée, de Boigne remporta une victoire complète. Après ce conflit terrible, qui avait coûté si cher aux deux chefs mahrattes, l’armée de Sindyah s’en retourna dans l’Hindostan. Touka-Dji-Holkar continua sa marche vers Indore et Mhysir, les deux principales villes des états de sa souveraine Alya-Bliaïe, sans chercher à se venger de sa défaite en ravageant les districts du Malwa soumis à Madha-Dji[2].

La nouvelle de cette collision ne tarda pas à arriver à Pounah,

  1. Ou Dudrenec.
  2. Je suis ici la version de sir John Malcolm. L’auteur de l’Histoire des Mahrattes, J. Grant Duff, dit au contraire que, « dans sa rage impuissante, Holkar saccagea Ouddjein, la capitale de son rival. » S’il en fut ainsi, la rage du vaincu ne demeura pas tout à fait impuissante.