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donna bientôt des preuves de son peu de sympathie pour la cause de Sindyah. Ismaël-Beg n’avait pas tardé à se séparer de celui-ci: il venait de se remettre en campagne avec l’aide des râdjas radjepoutes de Djoudpour et de Djeypour. Une bataille étant devenue inévitable, Madha-Dji-Sindyah invoqua vainement le secours de Touka-Dji-Holkar. A la tête de ses Mogols, Ismaël fit des charges désespérées ; sa cavalerie, passant par-dessus l’infanterie des Mahrattes, tuait les canonniers sur leurs pièces. Le carnage fut grand de part et d’autre; mais en dépit de sa bravoure, Ismaël dut fuir avec ses troupes, mises en complète déroute, et qui se dispersaient abandonnant toute leur artillerie. Ce succès, chèrement acheté, mais décisif, était dû à la solidité des bataillons disciplinés à l’européenne et au courage inébranlable de leur chef de Boigne.

Les Radjepoutes, privés du secours d’Ismaël-Beg, tentèrent seuls les chances d’un second combat; ils ne furent pas plus heureux, et montrèrent moins d’ardeur que les Mogols n’en avaient déployé dans les précédentes attaques. On cite cependant une charge exécutée par deux mille cavaliers de la tribu des Rathores du Marwar, qui peut se comparer au brillant fait d’armes de la cavalerie anglaise dans la guerre de Crimée. Emportés par un irrésistible élan, les Rathores traversèrent de part en part les bataillons serrés commandés par de Boigne; mais au retour ils furent mitraillés et presque anéantis[1]. Cette bataille, qui a été appelée la journée de Meirtah, — du nom d’une petite ville voisine, — assura la suprématie de la famille Sindyah sur les états radjepoutes. Touka-Dji-Holkar, jaloux de cette grande victoire, se retira en-deçà de la Tchambal, et Ali-Bahadour s’occupa de conquérir pour son compte la province de Bondelkund, où il parvint à se maintenir au milieu de beaucoup de difficultés.

Ce fut à cette époque, — 1792, — que Madha-Dji-Sindyah jugea nécessaire de faire un voyage à Pounah. Selon toute probabilité, deux motifs lui inspirèrent cette démarche : la prétention d’exclure

  1. Les Rathores étaient aux ordres du râdja de Marwar, Badji-Singh, celui-là même qui vingt ans auparavant avait traîtreusement assassiné Djaïpat-Sindyah, l’aîné des cinq fils de Rano-Dji; Madha-Dji était le plus jeune.