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quelquefois considérables. Si pauvres qu’ils soient, ils savent tous lire et écrire. Il n’y en a guère qui, leur fortune faite, restent aux Philippines; ils retournent dans leur pays, et cela tient peut-être à ce que l’administration espagnole leur accorde peu de protection et de liberté.

Bornéo, à cause de ses riches mines d’or, est la contrée qui, avec la Californie et l’Australie, attire le plus les Chinois. Il y a bien longtemps qu’ils en savent le chemin, car un état aujourd’hui détruit par les indigènes fut fondé à une époque reculée par des Chinois musulmans dans le district de Burni, au nord de l’île, et une ancienne légende raconte comment un des pics élevés de cette région, le Kina-balou, a pris leur nom. Un esprit femelle d’une grande beauté errait alors dans les gorges de la montagne. Un prince chinois en devint amoureux, et entreprit pour le rencontrer un long voyage; mais il se tua dans son ascension en tombant dans un précipice, et depuis ce temps on appelle l’esprit la veuve du Chinois, et la montagne dont il fait son séjour le Kina-balou.

A Tundong, sur la branche occidentale du Sarawak, rivière qui coule dans Bornéo du sud au nord, les Chinois ont une riche exploitation d’antimoine; ce sont eux qui ont découvert les mines de fer. Quant à l’or, les Malais ne leur permettant pas l’exploitation du roc calcaire, laquelle est la plus productive, ils font des tranchées au pied des montagnes et travaillent les sables d’alluvion. D’après des documens qui datent déjà de dix années, le nombre des Chinois occupés aux mines d’or de Mentrada et autres localités du Bornéo occidental montait à trente-deux mille, qui n’arrachaient pas au sol de l’or pour moins de 936,000 livres sterling par an. La population d’agriculteurs, de manœuvres, de petits marchands, était évaluée au double de celle des mineurs; en moyenne, cinq cents Chinois retournaient chaque année dans leur pays. Pour cela, il faut qu’ils aient au moins 2,000 dollars; beaucoup doublent ou même quadruplent cette somme. Ils seraient bien plus riches, la propriété du sol aurifère appartenant au premier occupant, s’ils n’arrivaient dans un état de dénûment complet. Nombre d’affamés, attirés par les perspectives de richesses que leur promettent les rivages aurifères de Bornéo, prennent passage sur des jonques au prix de 10 dollars par tête. En débarquant, ils sont incapables de payer cette somme et la petite taxe imposée par l’autorité locale; pressés par des besoins de toute sorte, ils ne peuvent travailler à leur compte et engagent leurs services aux propriétaires de mines pour trois ou quatre ans. Aussitôt leur engagement terminé, ils se remettent au travail avec une ardeur nouvelle, amassent un petit pécule, et s’en retournent chez eux.

Au Chili, au Pérou, au Brésil, au Nicaragua, on retrouve encore