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chinoises se sont transportées dans cette région voisine de la leur; elles font des pâtisseries, élèvent des vers à soie, tressent des nattes, tissent des étoffes. D’autres Chinois font un petit commerce de cabotage le long des côtes et dans les rivières.

Dans la grande île de Java, d’après des documens administratifs qui datent de 1852, près de deux cent mille Chinois avaient des possessions territoriales très étendues. La grande ville de Samarang, sur le rivage septentrional de l’île, a aussi son quartier chinois que l’on appelle Campang-tchina; après celui des Hollandais, c’est le mieux bâti, et volontiers on s’y croirait dans une ville toute chinoise : les inscriptions des grandes portes qui le ferment, les enseignes, le costume de la foule, la physionomie, le langage, rendent l’illusion complète. Les yeux bridés, les pommettes saillantes feraient reconnaître des Chinois, à défaut même de leurs longues queues et de leur vêtement, uniformément composé d’un large pantalon, d’une veste et d’une chemise se boutonnant sur le côté et de couleur blanche ou noire. Les marchands disposent leurs boutiques avec beaucoup d’art; ils sont avenans, polis et très intéressés. Dans les croisemens avec les Javanais, le type chinois est peu altéré; la peau seulement prend les teintes basanées de la figure des Malais.

Tout le groupe des Philippines a aussi ses Chinois, agens d’un commerce considérable de curiosités et d’objets manufacturés. Un quartier de Manille est rempli de leurs boutiques étroites, où ils savent disposer avec infiniment d’art un étalage des plus variés. La boutique du Chinois est en même temps sa maison; toute une famille s’y entasse, et le matin, quand vers cinq heures ils ouvrent la porte qui donne sur la rue, il sort de tous ces bouges une odeur infecte. Nombre d’entre eux ont des comptoirs dans tout l’archipel, et les plus riches marchands ont, dans la seule ville de Manille, jusqu’à une douzaine de boutiques contiguës qu’ils font exploiter par des compatriotes pauvres moyennant une mince rétribution, en sorte que l’acheteur, rebuté par le prix d’un objet, se détermine à acheter, s’il entre dans les boutiques voisines, en voyant que ce prix est partout le même. Le montant des affaires faites par quelques-uns de ces Chinois avec les principaux négocians anglais est considérable; il y en a qui font par mois, pour 10 et 15,000 dollars d’achats, payables avec des crédits de trois, quatre, six mois après la date de la livraison. Il y en a bien quelquefois qui manquent à leurs paiemens, mais en général ils sont honnêtes, autant du moins que leur intérêt le commande. La plupart de ces Chinois sont arrivés à Luçon comme coolies, sans autre ressource que leurs bras, et c’est à force de travail, de persévérance et d’économie qu’ils se sont libérés d’abord, et qu’ils ont plus tard amassé des fortunes