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triotes, sans doute, ne laisseront pas inédit. Si les Histoires poétiques sont les notes morales du poème des Bretons, ces deux livres en sont les notes philologiques, géographiques, et ils montrent avec quel soin religieux l’écrivain accomplissait sa tâche.

Voilà le poète ; l’homme n’est pas moins intéressant à étudier de près. Il y a plus d’un maître, et parmi les premiers, qui n’est poète qu’à ses heures ; Brizeux l’était sans cesse. L’inspiration le possédait toujours ; sa sensibilité était si vive, si exquise, que toute chose se transformait pour lui en sujet de joie ou de douleur. Joie et douleur, tristesse ou enthousiasme, chez ces natures de choix, n’est-ce pas l’inspiration même ? Il se révoltait quelquefois contre cette sensibilité ardente ; la douleur, à laquelle il offrait tant de prise, était son ennemi personnel, et il déployait une verve philosophique singulièrement hardie chaque fois qu’il attaquait l’insoluble question : pourquoi le mal ? Ce problème était le tourment de son esprit ; il ne voulait pas cependant que sa poésie en conservât la trace. S’il écrivait des vers où éclataient ses doutes, ses révoltes, ses interrogations adressées au Créateur, ce n’était que pour lui seul. J’en ai trouvé dans ses notes, et de bien beaux, avec ces mots tracés d’une main ferme : à brûler. Son extrême facilité d’émotions était corrigée en effet par une vigueur de méditation peu commune. Sentir vivement, méditer avec force sur les sentimens de son âme, c’était, on peut le dire, la constante occupation de Brizeux. Le résultat de ce double travail intérieur fut la sérénité, l’harmonie, où il voyait avec raison le but suprême de l’art. Aux heures où il souffrait le plus, il voulait que sa poésie ne parlât aux hommes que de consolations, il voulait faire aimer la vie, et il y découvrait maints trésors ; il voulait charmer et fortifier les âmes, les arracher à l’ennemi, à la douleur maudite. La religion, la famille, la patrie, les plus saines émotions de la vie humaine, les meilleures joies du cœur et de l’esprit, voilà ce que chantait Brizeux, et cela, je le répète, à l’heure même où ses souffrances morales semblaient le vaincre, où ses larmes parfois mouillaient le papier. Il est bien de lui, ce vers si tendre :


Tous entendront ma voix, nul ne verra mes pleurs.


Ces méditations, curieuses, ardentes, sur la vie philosophique et morale, Brizeux les appliquait aussi aux questions de littérature et de style. Il appartenait certes au mouvement de la poésie nouvelle éclose chez nous de 1820 à 1830 ; il avait assez marqué sa place dans cette rénovation de l’art, lui qui avait créé en France l’idylle vraie, l’idylle à la fois réelle et idéale ; libre cependant, sans préjugés d’école, il étudiait les maîtres classiques avec une pénétration merveilleuse. Son admiration, très fine et très indépendante, n’admettait pas de jugemens convenus. Il louait ou blâmait, pièces en