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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 octobre 1858.

Les grands incidens de la vie intérieure d’un peuple prennent ordinairement la forme de spectacles publics, et c’est par cette apparence extérieure qu’ils saisissent toujours l’imagination du grand nombre. Tels sont surtout ces imposans rassemblemens de troupes périodiquement réunies pour l’instruction de l’armée, ces camps pacifiques qui sont devenus une sorte d’institution militaire. L’année dernière, le camp de Châlons, dans sa nouveauté, avait vivement intéressé la curiosité. Cet empressement de curiosité semble s’être un peu calmé cette année. Nous n’avons point, pour notre part, de jugement à émettre sur les travaux et les manœuvres accomplis par le camp qui vient de se dissoudre. Ces scènes militaires, qui échappent d’ailleurs à notre compétence, ne nous sont connues que par les bulletins du Moniteur. Des bulletins, nous ne pouvons apprécier que le style, et si de pareils documens étaient du domaine de la critique, nous oserions dire qu’en général la littérature des bulletins de cette année a été trouvée trop fleurie ; mais si notre ignorance ne nous permet point de juger la valeur technique des manœuvres de Châlons, et s’il est puéril de débattre en pareille matière le goût et l’adresse littéraires des historiographes, nous n’hésiterons point à exprimer le profond sentiment que nous inspire le caractère national et politique de ces travaux et de ces fêtes de notre armée. Il nous est impossible de voir sans attendrissement des troupes françaises rassemblées, car l’armée est chez nous l’expression la plus vivante de l’abnégation et de la générosité du peuple. La France a eu sans doute de grands généraux, de savans et braves officiers ; mais sa vraie supériorité militaire n’est point dans ses états-majors : elle est dans l’élément populaire de ses troupes, dans l’esprit et l’élan de ses soldats. Or y a-t-il rien de plus touchant que les sacrifices au prix desquels ces enfans du peuple conquièrent et conservent à la France sa puissance et sa gloire militaire ? Nos victoires, on l’a vu dans la dernière guerre,