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vers l’agriculture et vers l’industrie. On serait fort embarrassé d’indiquer aujourd’hui les articles que la colonie se trouverait en mesure de fabriquer avec succès. Produira-t-elle des tissus, du fer, de l’acier, du sucre, etc. ? Ces industries ou d’autres s’établiront-elles de l’autre côté de la Méditerranée sur une grande échelle ? Nul ne le sait encore ; mais on doit souhaiter que cela arrive, autrement mieux vaudrait abandonner l’Algérie. Or on ne sera éclairé sur les ressources de la colonie que lorsque l’esprit d’entreprise aura exploré le terrain, lorsqu’il aura essayé, cherché, réparé un échec par une tentative nouvelle, et il ne se mettra sérieusement à l’œuvre qu’à la condition de ne plus avoir devant les yeux la barrière qui ferme à ses espérances le marché français.

Les protectionistes se résigneraient, nous l’avons dit, à cette réforme, si en même temps l’on appliquait sur les frontières de l’Algérie, contre l’importation des marchandises étrangères, le tarif français. Alors, s’écrient-ils en empruntant le langage de leurs adversaires, l’Algérie deviendrait la France, l’assimilation tant prônée serait parfaite ! — Il y a là un abus de mots ou une méprise d’interprétation qu’il est essentiel de relever. Sans doute, il est désirable que, pour les principes de gouvernement et d’administration, l’Algérie soit assimilée à la métropole, que la population jouisse dans la colonie de tous les droits, de toutes les garanties qu’elle obtient sous la législation européenne, en un mot que le régime jusqu’ici trop militaire fasse place aux institutions civiles. Voilà ce que l’on entend par le terme vague d’assimilation qui reparaît à chaque instant dans le débat. D’un autre côté, quelques efforts que l’on fasse, on n’arrivera pas à démontrer que la situation agricole et industrielle de l’Algérie est semblable à celle de la France, et qu’il convient de soumettre l’une et l’autre absolument à la même loi. L’Algérie est un pays neuf qu’il faut organiser au plus vite pour la population et pour la production. Est-il possible de revenir sur les dispositions si sages des lois antérieures, qui ont prononcé la franchise des objets propres aux constructions urbaines et rurales, ainsi qu’à la reproduction agricole ? Le maintien de cette faveur est indispensable, et elle n’a pour la métropole qu’un médiocre intérêt. — Les fers, les fontes et les aciers étrangers n’acquittent que la moitié du droit. Doit-on relever le droit intégral ? Cette rigueur serait peu intelligente, et on pourrait faire observer que, sous la loi actuelle, l’industrie métropolitaine n’a pas à se plaindre de la part qui lui est laissée. Sur 3 millions de kilogrammes environ, qui, en 1857, ont été importés en Algérie, les forges françaises ont fourni plus de 1,700,000 kilogrammes, c’est-à-dire plus de la moitié. Le fer, comme le bois, est une matière première de la colonisation. Le taxer au point d’exclure la concurrence anglaise et de livrer entièrement le marché au monopole des métallurgistes français, ce serait commettre un véritable non-sens. Nous avons vu, dans nos assemblées législatives, des députés réclamer, en faveur de l’agriculture, l’abaissement des droits qui grèvent à l’entrée les instrumens aratoires, les machines à