Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 17.djvu/902

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le rapport politique, l’élément national doit, autant que possible, prédominer dans la constitution de nos départemens africains, et que, pour assurer ce résultat, il faut se garder de rompre les liens commerciaux. Ces considérations pratiques pourraient être invoquées ; mais il ne semble pas nécessaire d’y recourir : il vaut mieux envisager la question au point de vue de l’intérêt purement algérien. Or l’Algérie ne réclame pas encore la pleine et entière liberté de commerce, qui a fait l’objet d’une récente polémique, et, d’après la déclaration même du gouvernement, la métropole ne serait point disposée à la lui accorder. En conséquence, quelque sympathie que l’on éprouve pour les principes invoqués en faveur du nouveau système, quelque désireux que l’on soit de hâter le triomphe d’idées plus larges en matière d’échanges, on fera sagement de ramener dans des limites plus modestes l’examen des modifications à introduire dans le régime douanier de l’Algérie. Pour être plus restreint, le champ du débat n’en demeure pas moins le théâtre de conflits ardens, où les partisans du libéralisme peuvent intervenir utilement.

Ainsi nous sommes en présence d’une proposition qui consiste à assimiler complètement l’Algérie à la France, c’est-à-dire à admettre librement dans la métropole les produits, naturels ou fabriqués, originaires de la colonie, et à transporter tout d’une pièce le tarif général sur la côte d’Afrique, ainsi qu’aux frontières de Tunis, du Maroc et du désert. Il n’y aurait plus de Méditerranée ; l’empire du tarif comprendrait les trois nouveaux départemens d’Alger, d’Oran et de Constantine ; l’Algérie serait soudée à la France. D’après ce système, la loi de 1851 se trouverait doublement modifiée : d’une part, les produits algériens, sans distinction aucune, entreraient en franchise dans notre consommation, tandis qu’aujourd’hui les produits naturels n’y sont admis qu’avec restriction et la plupart des produits fabriqués en sont exclus ; d’autre part, les exemptions ou abaissemens de droits dont jouissent, à leur importation en Algérie, un certain nombre de marchandises étrangères, disparaîtraient. Dans son ensemble, cette proposition est assurément logique ; elle paraît faire la part de l’intérêt métropolitain et de l’intérêt colonial, ou, pour mieux dire, elle confond entièrement les deux intérêts par une transaction qui est, à première vue, équitable ; elle compte parmi les industriels français de nombreux partisans.

Mais cette assimilation complète serait-elle réellement un bienfait pour l’Algérie ? Le marché plus large que la colonie obtiendrait en France compenserait-il le préjudice que lui causerait la perte des facilités dont elle jouit dans ses rapports avec l’étranger ? — Après avoir exposé les motifs qui s’opposent aujourd’hui à l’application complète du libre échange en Algérie, je me trouve amené à combattre les exigences du parti protectioniste, qui appuie cette seconde proposition, car dans ces sortes d’affaires il faut moins s’attacher aux principes absolus qu’à l’application opportune, mesurée, de ces mêmes principes, et l’on doit, sans crainte de blesser quelquefois la logique,