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Marie par Brizeux, est de 1840. Pendant ces neuf années, le poète avait perfectionné son éducation d’artiste. Quelques semaines après la publication de son œuvre, dans les derniers jours de novembre 1831, il partait pour l’Italie avec M. Auguste Barbier. L’auteur des ïambes en rapporta le poème du Pianto, dont une des plus belles pages, le Campo Santo, est dédiée à son ami ; si Brizeux ne fut pas aussi prompt à chanter son voyage[1], il y recueillit des leçons bien précieuses qu’il devait mûrir encore dans des séjours prolongés à Florence et à Naples. Il revint de cette première excursion au mois d’août 1832 ; deux ans plus tard, il repartait pour Rome, après s’être arrêté quelques mois à Marseille. Il y a là un épisode de sa vie qui ne doit pas être oublié. M. Ampère, qui avait préludé devant l’athénée de Marseille à ses succès du Collège de France, invité à se choisir un successeur, avait désigné l’auteur de Marie. Il s’agissait d’un cours de poésie française, Brizeux accepta cette mission avec joie ; il se rendit à Marseille dès les premiers jours de 1834, et ouvrit ses leçons le 20 janvier. Le sujet de ce cours était une théorie générale de la poésie éclairée par maints exemples de l’école nouvelle. L’autorité de son nom déjà connu, la protection des vers de Marie, la délicatesse des aperçus littéraires assurèrent bientôt à Brizeux un auditoire d’élite. Il a consacré lui-même ce souvenir à propos de la rencontre qu’il fit d’un marin breton et de sa femme sur les côtes de Marseille. Il voulut que les murs grecs de Massilie, les troupeaux de chèvres des bassins de Meilhan et ses leçons platoniciennes sur l’art fussent associés aux paysages d’Arzannô. Son cours fini, au mois de mai 1834, il s’embarquait pour Civita-Vecchia. L’Italie était devenue la seconde patrie de son âme. La Bretagne lui avait donné l’inspiration première, l’amour des choses simples, le goût des mœurs primitives, le pressentiment d’une merveilleuse harmonie ; l’Italie lui donna la science exquise de l’art. Cette pièce, la Nuit de Noël, qui termine l’idylle bretonne avec tant de grandeur, d’autres qui en complètent les détails, comme les Batelières de l’Odet, furent publiées par lui, à cette place même où je les cite, après ses voyages de Rome et de Florence. Le premier fruit des leçons qu’il reçut de l’art italien, ce fut donc la troisième édition de Marie ; le second fut le recueil lyrique intitulé les Ternaires (1841).

Ce recueil des Ternaires fut très apprécié des poètes et des artistes ; mais le public le goûta peu. La foule, routinière en toute chose, l’est surtout en poésie ; elle ne permet guère que l’imagination se renouvelle. Si vous avez réussi à l’engager sur vos pas, n’espérez pas l’attirer sans résistance dans les chemins nouveaux où

  1. Le Pianto a été publié dans la Revue le 15 janvier 1833.