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et de l’Algérie, ainsi que le cabotage, demeurèrent réservés au pavillon national.

Cependant quelques symptômes de progrès se manifestaient en Algérie. En 1835, la population européenne ne s’élevait guère qu’à 11,000 âmes, et l’effectif de l’armée d’occupation comptait près de 30,000 soldats. En 1843, le nombre des Européens recensés en Algérie était successivement arrivé à 60,000 et l’effectif de l’armée à 75,000 hommes. Sans doute ce progrès était bien lent, l’accroissement de la population européenne devait être attribué surtout à l’augmentation des forces militaires, et les élémens civils qu’une armée traîne à sa suite, qui se groupent autour de ses garnisons et de ses campemens, ne sont pas d’une utilité bien grande pour un établissement colonial. Il y avait alors en Algérie plus de cabaretiers que de colons ; mais en définitive il fallait nourrir, loger, vêtir ce commencement de population militaire et civile, et l’ensemble du commerce algérien, qui en 1835 atteignait à peine une valeur de 20 millions de francs, fut en 1843 de 83 millions. Dans ce chiffre, les importations en Algérie figurèrent pour 75 millions, et les exportations pour 8 millions seulement. L’industrie française, qui se montrait fort impatiente de trouver, sur l’autre rive de la Méditerranée, le débouché promis à ses entreprises et destiné, d’après les assurances qui accompagnaient chaque demande de crédits, à couvrir, et bien au-delà, les dépenses de la conquête, l’industrie française réclama avec instance la possession du marché algérien, où elle voyait en 1843 l’industrie étrangère placer plus de 40 millions de produits.

Ce fut sous cette impression que l’on prépara les deux ordonnances du 16 décembre 1843, relatives, l’une au tarif des produits algériens à leur entrée en France, l’autre au traitement des produits étrangers à leur importation en Algérie. La colonie semblait avoir fait assez de progrès pour que l’on songeât d’une part à favoriser le placement de ses productions dans la métropole, d’autre part à y créer pour l’industrie métropolitaine une situation privilégiée. Le droit de tonnage, élevé de 2 fr. à 4 fr. à l’égard du pavillon étranger, et l’établissement de surtaxes protégèrent davantage le pavillon national. La France reçut, moyennant le paiement de droits de faveur représentant en général la moitié des droits inscrits au tarif général, les produits naturels de l’Algérie. En échange de cet avantage, on fixa à un taux plus élevé les taxes appliquées en Algérie aux produits des manufactures étrangères : ainsi, pour les tissus de coton et de laine, les droits, fixés à 15 pour 100 de la valeur par l’ordonnance de 1835, furent portés à 30 pour 100 et calculés au poids. Sans doute il eût mieux valu pour l’Algérie qu’en lui accordant des conditions moins rigoureuses dans ses rapports avec la métropole, on continuât à lui assurer, par le maintien de ses anciennes franchises, un approvisionnement plus économique en produits étrangers ; mais on doit, pour apprécier sainement une législation, et avant de juger trop sévèrement les hommes d’état et les administrateurs qui proposent un