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réforme dans le sens de la liberté exciterait bien quelques froissemens à Saint-Louis, ou plutôt en France, dans nos grands ports de mer, comme il est arrivé pour l’émancipation des esclaves et pour la suppression de la compagnie de Galam ; mais bientôt la satisfaction générale et l’expérience ratifieraient une troisième fois les décisions d’une politique libérale. Au besoin, on rappellerait aux villes maritimes leurs doctrines de liberté commerciale.

Nous avons jusqu’à présent associé les destinées du commerce à celles de la colonisation ; sans vouloir toutefois enchaîner le premier aux limites de la seconde. Celle-ci est tenue de s’arrêter au Khasso, terme de notre influence et de notre autorité ; le commerce doit porter bien au-delà ses vues et son ambition. Il vise et doit viser d’abord à atteindre l’état et la ville de Ségou, dans le bassin du Djioliba ou Haut-Niger, où trois voies le conduisent : l’une, la plus directe, par-delà les cataractes de Gouina ; une seconde par le Bambouk ; la troisième par le Khaarta. Les deux premières, passant à travers des solitudes et des forêts inexplorées, demanderaient la création, le long du Bafing, branche supérieure du Sénégal, de nouveaux postés, dont le premier serait placé au confluent du Bafing et du Baoulé, à l’extrémité sud-est du Khasso, ou bien à la cataracte de Gouina, qui est un peu au-dessous de ce confluent. La troisième route par le Khaarta, nous est un peu mieux dévoilée par les récits des caravanes et des colporteurs qui la suivent pour se rendre de Bakel à Ségou. Au Khaarta d’ailleurs, les Français ne sont ni des inconnus ni des ennemis. La bienveillante hospitalité que la ville de Saint-Louis accorde au groupe de Bambaras, originaires de cette région, qui s’est fixé dans son enceinte, nous y a fait des amis dans beaucoup de familles. Ces sentimens remontent même assez haut. Dès 1822, un prince du Khaarta proposa d’établir chez lui une escale, — offre dont ne tint aucun compte la compagnie de Galam, peu soucieuse, comme tous les monopoles, d’innovations qui supposent quelque hardiesse. Plus avisés, les Anglais de la Gambie ont pénétré dans le pays et l’exploitent en partie au moyen des articles d’échange qui y abondent : les uns, dons de la nature, tels que le miel, la cire, l’ivoire, le beurre végétal ; les autres, produits de la culture, qui est l’occupation générale des habitans. Par un progrès dans les moyens d’échanges de ce pays, le troc en nature a fait place à des comptes en monnaie courante, qui est un coquillage appelé cauri, fort connu pour cet usage dans toute l’Afrique.

La famille bambara, qui occupe une partie du Khaarta, s’étend au-delà jusqu’à Ségou, et même sur la route de cette ville à Tombouctou. Elle peut nous en enseigner le chemin. Déjà du reste, les relations entre ces pays et le Sénégal sont devenues moins rares.